Tumeurs de vessie d’origine professionnelle

Les tumeurs urothéliales ou cancers paramalpighiens sont les tumeurs les plus fréquentes en urologie.
L’incidence croissante des tumeurs de la vessie est à mettre surtout sur le compte du tabagisme passé et sur l’exposition à des polluants industriels.

I. Étiologies

I.1. Étiologies professionnelles

Selon les études, une exposition professionnelle serait en cause dans 7 à 25 % des tumeurs de vessie et plus dans certains secteurs industriels (Bang, 1996).

Les principales substances responsables sont rappelées dans le tableau I.

Tableau I

1 – Amines aromatiques :
– xénylamine (4-aminobiphényle) et sels
– benzidine (4,4′-diaminobiphényle) et sels
– b naphtylamine et sels
– méthylène bis’orthocloroaniline ou MOCA (4,4′ méthylène bis (2 chloroaniline)) et sels.
– o-dianisidine (3,3′-diméthoxybenzidine) et sels
– o-tolidine (3,3′-diméthylbenzidine) et sels
– o-toluidine (2-méthylaniline) et sels
– ditolylbase (4,4′-méthylène bis (2-méthylaniline)) et sels
– para-chloro-ortholuidine et sels
– auramine
– colorants dérivés de la benzidine : direct black 38, direct blue 6, direct brown 95

2. Nitrosamines
– N-nitrosodibutylamine et sels
3. Hydrocarbures aromatiques polycycliques dérivés de la houille, notamment :
– benzanthracène
– anthracène
– benzo(a)pyrène

Les principaux secteurs industriels concernés sont regroupés dans le tableau II.

Tableau II

– Industrie textile (utilisation de colorants)

– Industrie du cuir

– Industrie des colorants

– Industrie chimique et pharmaceutique (synthèse, labo de recherche et d’analyse)

– Industrie du caoutchouc

– Fabrication de l’auramine

– Cokerie

– Fonderie de fonte ou d’acier

– Ramonage, entretien de chaudières

– Fabrication d’aluminium (procédé Söderberg)

– Fabrication et utilisation d’huiles minérales ?

I.2. Autres étiologies

I.2.1. Le tabac

Le tabac est la première cause de cancer de vessie. La fumée de tabac contient des cancérogènes urothéliaux, en particulier métabolites du tryptophane et amines aromatiques.
Leur effet est cumulatif, notamment en cas d’association à d’autres cancérogènes.

I.2.2. Infections bactériennes chroniques

Les nitrates produits par les bactéries se transforment successivement en nitrites puis nitrosamines responsables des tumeurs.
Elles sont principalement rencontrées chez les sujets qui ont des vessies non fonctionnelles (vessie neurologique, sonde à demeure…).

I.2.3. La schistosomiase (bilharziose)

Elle provoque dans les zones d’endémie des tumeurs vésicales plutôt de type épidermoïde.

I.2.4. Irradiation pelvienne

Il a été décrit un nombre de cancers de vessie plus important chez les femmes ayant bénéficié d’une irradiation pelvienne pour cancer du col utérin. Le risque, bien que faible, augmente progressivement à distance de l’irradiation.

I.2.5. Facteurs alimentaires

Certaines études ont suggéré que les édulcorants artificiels (saccharine, cyclamates) pouvaient jouer un rôle causal dans le développement du cancer de vessie.
De même, la caféine serait pour certains, un promoteur de tumeurs urothéliales.
Néanmoins, la relation entre ces substances et le cancer de vessie est plus controversée.

I.2.6. Étiologies médicamenteuses

La consommation chronique d’antalgique à base de phénacétine ou la chimiothérapie par cyclophosphamide sont considérés comme un facteur de risque de cancers urothéliaux.

II. Diagnostic

II.1. Sex ratio

Le cancer de vessie atteint plus fréquemment l’homme que la femme avec un sex ratio de 4/1.

II.2. Age de survenue

97 % des tumeurs vésicales sont diagnostiquées après 40 ans, avec une incidence maximale entre 50 et 80 ans.
Pour les tumeurs d’origine professionnelle, l’âge de survenue est surtout fonction de la latence par rapport à l’exposition (entre 10 et 20 ans).

II.3. Examen clinique

Un tumeur de vessie doit être évoquée devant une hématurie terminale ou totale, macroscopique, indolore.
Un seul épisode doit faire suspecter ce diagnostic et doit conduire à une consultation en urologie.
Les autres signes regroupent des signes d’irritation vésicale (pollakiurie, dysurie, cystalgies, impériosités) et certains signes témoins d’un envahissement local (coliques néphrétiques, douleurs pelviennes, phlébite) ou à distances (métastases osseuses, pulmonaires, hépatiques).
L’examen bimannuel réalisé sous anesthésie recherchera une infiltration vésicale. Il sera complété par une palpation des aires ganglionnaires (notamment ganglion de Troisier).

II.4. Examens complémentaires

II.4.1. Cystoscopie

Il s’agit de l’examen-clé :
Elle permet une visualisation de l’ensemble de la vessie (élaboration d’une cartographie vésicale), la réalisation de biopsies, un recueil urinaire pour examen cytologique.

II.4.2. UIV

Elle permet d’évaluer le retentissement sur le haut appareil.

II.4.3. Scanner avec injection de produit de contraste

Il est recommandé pour apprécier l’extension locale de la tumeur.

II.4.4. Bilan d’extension

Il associera une radiographie thoracique voire un scanner thoracique, une échographie hépatique et une scintigraphie osseuse.

III. Traitement

Les tumeurs à cellules transitionnelles ou cancers paramalpighiens ou tumeurs urothéliales sont les plus fréquentes (90 %).
Les autres types histologiques regroupent les carcinomes épidermoïdes et les adénocarcinomes, qui sont des tumeurs épithéliales, puis les sarcomes et autres tumeurs indifférenciées.
Le traitement doit prendre en compte le stade tumoral évalué selon la Classification TNM et selon le grade histologique : résection endoscopique plus ou moins associée à une chimiothérapie pour les tumeurs superficielles, et cystectomie totale associée à radiothérapie et chimiothérapie pour les tumeurs infiltrantes.

IV. Prévention

IV.1. Prévention technique

Il est nécessaire de respecter toutes les règles classiques en matière d’hygiène industrielle (produits de remplacement, contrôle des expositions, formation et information des salariés).

IV.2. Prévention médicale

L’Arrêté du 5 avril 1985 énumère les substances susceptibles de provoquer une lésion maligne de la vessie et pour lesquelles une surveillance doit être mise en place.

Il fixe également les modalités de cette surveillance en période d’activité (avec exposition potentielle) :

– mise en surveillance médicale spéciale,

– recherche de facteur pouvant accroître la sensibilité individuelle aux substances urotoxiques (antécédents médicaux et professionnels, tabac, alcool, consommation médicamenteuse, infections urinaires récidivantes, parasitose),

– examens complémentaires : bandelettes urinaires à la recherche d’une hématurie microscopique, cytologie urinaire, NFS, méthémoglobinémie, enzymes hépatiques. La fréquence de leur réalisation est laissée à l’appréciation du médecin du travail. Pour l’exposition à certaines amines aromatiques, il peut être recherché dans les urines des dérivés aminés libres dont l’interprétation ne sera significative que s’il est positif à plusieurs reprises.

Les modalités du suivi post-professionnel des salariés exposés aux amines aromatiques rapportées dans le tableau de maladie professionnelle n° 15 ter du régime général de la Sécurité Sociale sont précisées par l’Arrêté du 28 février 1995 .
Il associe un examen clinique tous les 2 ans avec une biologie urinaire (bandelettes urinaires et cytologie urinaire) également tous les 2 ans.

V. Réparation

Il existe actuellement 2 tableaux de maladie professionnelle dans le cadre du régime général de la Sécurité Sociale réparant les tumeurs de vessie d’origine professionnelle.

V.1. Le tableau 15ter, indemnisant les salariés exposés aux amines aromatiques et au N-nitrosodibutylamine et leurs sels (cf annexe 3). Il comporte un délai de prise en charge de 30 ans, une durée minimale d’exposition de 5 à 10 ans selon les substances considérées, et une liste limitative de substances.

V.2. Le tableau 16bis, indemnisant les salariés exposés au goudron de houille, huile de houille, brais de houille et suies de combustion du charbon.

Toutefois, il est maintenant possible d’essayer d’obtenir une reconnaissance pour les tumeurs de vessie ne remplissant par les critères de ces 2 tableaux : non respect d’une condition administrative ; cas rapportés éventuellement à d’autres expositions que celles listées dans ces 2 tableaux, notamment les sujets ayant eu une exposition caractérisée à un autre cancérogène vésical certain et ayant eu une consommation tabagique modérée (le tabac étant également considéré comme un cancérogène vésical), par le biais du Comité de Reconnaissance des Maladies Professionnelles.

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