Introduction
Les tumeurs malignes des fosses nasales et des sinus sont rares dans la population générale (3 % des cancers des voies aériennes supérieures), mais sont fréquemment associés à une exposition professionnelle qu’il convient de rechercher attentivement.
I. Etiologies professionnelles
I.1 Les travailleurs du bois
L’association entre adénocarcinome de l’ethmoïde et travailleurs du bois est bien connue depuis 1981.
Le principal agent causal retenu serait le tanin (dérivé phénolé de l’acide tanique) dont les propriétés carcinogéniques sont démontrées.
Le tanin est surtout présent au niveau des bois exotiques, mais également au niveau des arbres européens feuillus et donc quasi absent des résineux.
Cependant, les différentes études, s’accordent pour reconnaître que le risque varie selon les procédés de travail du bois, laissent à pense qu’il existe également un facteur physique lié à la taille des particules de bois.
I.2 Industrie du cuir
Là encore, le tanin végétal (provenant pour la plupart des bois feuillus) serait l’agent responsable puisqu’il serait utilisé pour la réalisation du tannage du cuir.
Ainsi, un excès de cancer de l’éthmoïde a été décrit dans plusieurs études parmi les salariés de l’industrie de la chaussure.
I.3 Industrie textile
De nombreuses études ont retrouvé un excès significatif de cancers des fosses nasales (cancer de type épidermoïde ou adénocarcinome) chez les salariés de l’industrie textile mais sans avoir dégagé d’agent causal particulier. Il semblerait toutefois que les postes ayant un empoussiérage important en coton soit plus fréquemment mis en cause.
I.4 Raffinage du nickel
Opération de grillage des mattes de nickel.
I.5 Salariés exposés au chrome
Tous les postes exposant à l’inhalation de dérivés hexavalents du chrome sont connus pour entraîner des lésions nasales (ulcération, perforation de la cloison) et pour certains auteurs, seraient à l’origine de cancers des sinus.
I.6 Formaldéhyde
Depuis 1986, le formaldéhyde est l’objet de controverse quant à son pouvoir cancérogène sur les fosses nasales.
De nombreuses études observent un excès significatif de cancers du nasopharynx parmi les salariés exposés aux vapeurs de formaldéhyde.
Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé le formaldéhyde comme cancérogène probable (2A) chez l’homme en 1995.
I.7 Huiles de coupe
Une étude cas-témoins réalisée en 1980 avait également retrouvé un excès significatif de cancer des fosses nasales et des sinus parmi les ouvriers en contact avec des huiles de coupe.
II. Diagnostic
II.1 Circonstance de découverte
La plupart des tumeurs des fosses nasales apparaissent vers 40-60 ans, sans distinction de sexe, avec une période de latence clinique certaine (de 1 à 36 mois). Le tabac ne semble pas être un facteur de risque de ce type de tumeur.
Les premiers signes associent une obstruction nasale et épistaxis unilatéraux, parfois il est seulement retrouvé une rhinorrée unilatérale muco-purulente.
La douleur apparaît plus tardivement et selon la topographie oriente vers une localisation spécifique (cancer du sinus maxillaire supérieur, de l’ethmoïde, du nasopharynx). Elle est alors souvent accompagnée de manifestations neurologiques (névralgies faciales, trismus, anesthésie dans certains territoires, diplopie, ptosis…) ou ophtalmologiques (larmoiement, dacryocystite, oedème palpébral) pour le cancer de l’ethmoïde et du sinus maxillaire supérieur.
Pour le cancer du nasopharynx, il est important de rechercher des symptômes otologiques unilatéraux, obstruction tubaire, hypoacousie de transmission, acouphènes.
II.2 Examens complémentaires
Le diagnostic reposera après un examen clinique du visage (inspection, palpation, examen neurologique, examen ophtalmologique et otologique), sur la rhinoscopie antérieure permettant de localiser la tumeur et de pratiquer une biopsie en vue d’une étude anatomopathologique.
Le bilan d’extension associera une rhinoscopie postérieure (de réalisation difficile dans les tumeurs du nasopharynx), un bilan radiologique de la face associant une radiologie standard et surtout une tomodensitométrie qui permettra d’apprécier le degré d’envahissement local et le rapport avec les structures adjacentes
II.3 Histologie
Le type histologique le plus fréquent parmi les cancers de l’ethmoïde est l’adénocarcinome (61 %), pour le cancer du nasopharynx (cavum) il s’agit de carcinome épidermoïde ou indifférencié.
III. Traitement
Le traitement curatif est principalement chirurgical, plus ou moins associé à une radiothérapie externe ou interne selon le type de cancer.
Le pronostic de ces maladies est relativement sombre d’où la nécessité de mettre en place toutes les mesures préventives nécessaires pour les salariés exposés.
IV. Prévention – Réparation
IV.1 Prévention
IV.1.1 Technique
Il est important de réduire au minimum l’empoussiérement des locaux de travail en redéfinissant les modes opératoires, en mettant en place des systèmes de protection collective (aspiration…) et individuelle (port de masque adapté).
IV.1.2 Médicale
La surveillance (surveillance médicale spéciale, arrêté du 11/07/1977) recherchera tous les signes évocateurs, faisant poser l’indication d’une consultation spécialisée.
L’ Arrêté du 28 février 1995 cooncernant le suivi post-professionnel des salariés exposés au risque cancérogène fixe les modalités de surveillance des salariés exposés dans le passé aux poussières de bois, et au nickel :
– un examen médical doit être réalisé tous les 2 ans par un médecin spécialiste ORL.
– il sera également réalisé tous les 2 ans une radiographie, des sinus éventuellement, complétée par des coupes tomodensitométriques des sinus.
Pour les salariés exposés dans leur passé professionnel au chrome, le même décret conseille la réalisation d’un examen clinique tous les 2 ans associé à une radiographie pulmonaire.
IV.2 Réparation
Seules les expositions aux poussières de bois et au nickel font l’objet d’un tableau de maladie professionnelle indemnisable pour les tumeurs primitives des fosses nasales.
Il s’agit du tableau 47 du régime général de la Sécurité Sociale (n° 36 du régime agricole) pour les poussières de bois et du tableau n°37 ter du régime général de la Sécurité Sociale pour les opérations de grillage de mattes de nickel