Aptitude médicale au travail

I – DEFINITION

Pour les salariés du régime général et du régime agricole de la Sécurité Sociale, ainsi que pour ceux de certains régimes spéciaux (entreprises publiques telles que SNCF, EDF…), le droit français du travail subordonne la conclusion et le maintien de leur contrat de travail, à l’établissement d’un avis d’aptitude. Cette décision d’aptitude incombe au seul médecin du travail.

Ce principe de décision d’aptitude est différent dans la fonction publique, en effet, cette décision n’appartient pas au médecin de prévention mais à un médecin agréé qui fournit un certificat médical constatant que l’intéressé n’est atteint d’aucune maladie ou infirmité ou que les maladies ou infirmités constatées ne sont pas incompatibles avec l’exercice des fonctions postulées (art 20 du Décret 86-442 du 20 mars 1986 – titre I du statut général des fonctionnaires).

II – CIRCONSTANCES

L’évaluation de l’aptitude d’un salarié à un poste de travail constitue un des rôles majeurs du médecin du travail. Elle sanctionne chacune des visites médicales du travail aux différents moments de la vie d’un salarié.

1 – Visite médicale d’embauchage (art R 241-48 du Code du travail)

Cette visite médicale est effectuée pour tout salarié au moment de son embauchage, soit pendant la période d’essai, soit avant sa prise de fonction pour les postes présentant un risque particulier entraînant une mise sous surveillance médicale renforcée (SMR).

2 – Visite médicale systématique (art R 241-49)

Cette visite médicale doit être renouvelée dans les 24 mois qui suivent l’examen d’embauchage, en vue de s’assurer du maintien de l’aptitude du salarié au poste de travail occupé, puis au moins tous les 2 ans . Cette rythmicité peut cependant être modulée :

  • selon la réglementation : elle devient par exemple semestrielle lors d’une affectation d’un salarié de plus de 40 ans en milieu hyperbare ;
  • selon les risques : les examens périodiques pratiqués dans le cadre de la surveillance médicale renforcée sont renouvelés au moins annuellement

3 – Visite de reprise après un arrêt de travail (art R 241-51)

Le salarié bénéficie obligatoirement d’une visite médicale après tout arrêt de travail :

• pour un accident de travail de plus de 8 jours ou pour une maladie professionnelle quelle que soit la durée de l’arrêt,

• pour une maladie ayant nécessité plus de 3 semaines d’arrêt ou des arrêts plus courts mais fréquents,

• au retour d’un congé de maternité.

Cette visite doit avoir lieu le jour de la reprise ou au plus tard dans la semaine qui suit cette reprise en l’absence de complications ou de changement de poste prévisible.

4 – Visites occasionnelles

Le médecin du travail peut également être amené à examiner un salarié et à juger de son aptitude à son poste de travail à l’occasion d’autres visites dites “occasionnelles” formulées à la demande du salarié, de son employeur ou à sa propre demande.

5 – But de ces visites

Chacune de ces visites a pour but :

• de rechercher si le salarié est atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs,

• de juger si son état de santé est compatible avec le poste de travail pour lequel il postule ou qu’il occupe,

• de juger de son aptitude au port d’équipements de protection individuelle,

• de proposer éventuellement des adaptations de poste ou l’affectation à un autre poste.

6 – Cas de la visite de pré-reprise

Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail, et qu’une modification de son aptitude à son poste de travail est prévisible, il peut demander à bénéficier d’une visite dite de pré-reprise auprès du médecin du travail. Cette visite peut également être demandée par le médecin traitant de ce même salarié ou par le médecin-conseil de sa Caisse de Sécurité Sociale. Elle ne peut cependant pas être demandée par le médecin du travail, ni par l’employeur.

Cette visite permet d’apprécier l’aptitude de salarié à reprendre son poste, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail et d’une réadaptation du salarié. Elle ne donne pas lieu à la rédaction d’une fiche d’aptitude. Elle ne dispense pas de la visite de reprise de travail.

III – MODALITES DE MISE EN ŒUVRE

A chaque visite, le médecin du travail pratique un examen clinique et prescrit tout examen complémentaire qu’il juge utile pour établir sa décision d’aptitude (art R 241-52 du Code du travail) ou prévu réglementairement. Il devra effectuer toute étude de poste nécessaire pour une bonne connaissance de la situation de travail (intérêt du tiers-temps). Il peut s’aider également d’avis spécialisés, la décision finale incombe cependant au seul médecin du travail.

A l’issue de chaque visite médicale, à l’exception de la visite de pré-reprise, le médecin du travail conclut en établissant une fiche d’aptitude en double exemplaire (art R 241-57). Il en remet un au salarié et transmet l’autre à l’employeur qui le conserve pour pouvoir à tout moment le présenter, sur demande, au médecin inspecteur du travail et de la main-d’œuvre et à l’inspecteur du travail.

La fiche d’aptitude doit comporter au minimum :

• l’identification du salarié et du médecin du travail,

• le poste de travail occupé,

• l’avis d’aptitude,

• la date et la signature du médecin du travail.

La fiche d’aptitude ne doit comporter aucune information couverte par le secret médical. L’avis d’aptitude ne doit pas être motivé médicalement.

Cet avis d’aptitude est limité dans le temps et concerne un poste déterminé. Il s’agit :

• d’une aptitude au poste de travail

• d’une aptitude avec restriction, sous réserve d’un suivi régulier ou d’un aménagement du poste de travail

• d’une inaptitude partielle ou totale, temporaire ou définitive.

IV – CONSEQUENCES

L’avis d’aptitude est un acte juridique avec toutes ses conséquences. Il est encadré étroitement par des textes législatifs, réglementaires et jurisprudentiels. Il engage la responsabilité morale, civile et pénale du médecin du travail.

Il engage la responsabilité du médecin du travail vis-à-vis de l’employeur (la formulation de l’avis d’aptitude doit être telle que l’employeur puisse satisfaire à ses obligations) et vis-à-vis du salarié (respect de l’équilibre santé – sécurité – emploi).

Ainsi, dans la mesure du possible, l’avis médical d’inaptitude à un poste de travail doit être formulé non pas sous forme d’un constat d’inaptitude, mais en mettant en évidence les aptitudes résiduelles du sujet et en précisant seulement les aspects de la charge de travail qui sont à exclure. Le médecin proposera toute adaptation ou mutation de poste qu’il jugera nécessaire.

Cependant, lorsque les capacités physiques ou psychiques d’un salarié ne lui permettent plus d’exécuter l’ensemble des tâches découlant du poste de travail ou, lorsque le maintien de l’état de santé du salarié ne peut être assuré compte tenu des risques inhérents au poste de travail, le médecin du travail peut être amené à rédiger un avis d’inaptitude .

L’article R 241-51-1 du Code du travail prévoit que “sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude du salarié à son poste du travail qu’après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l’entreprise et deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés le cas échéant, des examens complémentaires mentionnés à l’article R 241- 52.” L’employeur dispose d’un délai de un mois à compter de l’émission de cet avis pour soit réaliser le reclassement du salarié, soit le licencier. Au-delà de ce délai, en l’absence de licenciement, l’employeur doit verser son salaire au salarié.

Hormis le cas de la fonction publique où les décisions d’inaptitude sont soumises à un comité médical, il n’y a légalement aucun recours hiérarchique contre une décision d’aptitude prise par un médecin du travail. En cas de désaccord, le salarié ou l’employeur contester auprès de l’inspecteur du travail qui statura sur l’aptitude après avis du médecin inspecteur régional du travail, comme conciliateur. L’évolution de la jurisprudence donne à l’inspecteur du travail un pouvoir décisionnel administratif, sans préciser cependant l’étendue de ce pouvoir.

V – CONCLUSION

En matière d’aptitude et d’inaptitude, la responsabilité professionnelle, morale et juridique, pénale et civile du médecin du travail est considérable. Les décisions sont parfois difficiles en raison de la situation économique, d’une proportion accrue de travaux accessibles seulement à des personnels qualifiés, de la tendance à exiger une certaine polyvalence des salariés et des intérêts parfois contradictoires des travailleurs et des employeurs.

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