I. Responsabilité professionnelle du médecin du travail
La responsabilité est l’obligation pour chacun de répondre de ses actes, d’en être garant.
La responsabilité médicale dans le cadre de l’exercice de la médecine du travail s’exerce à différents niveaux . Cette responsabilité peut être commune à tous (responsabilités civile et pénale), propre aux médecins (responsabilité morale et disciplinaire), ou encore liée à l’exercice salarié de la médecine du travail (responsabilité » contractuelle » vis-à-vis de l’employeur).
Les dommages sont rares car le médecin du travail exerce une action de prévention ; les réparations sont rares car l’imputabilité d’un préjudice corporel est difficile à mettre en évidence du fait du service du médecin du travail.
Le médecin du travail est un agent de l’entreprise et non de l’administration. Il relève des juridictions judiciaires et non du juge administratif (C.E. 29/1/86, droit social, 1986, p791).
Le médecin du travail est :
responsable déontologiquement (juridiction ordinale), civilement et pénalement,
un salarié : il peut avoir des sanctions disciplinaires sauf en matière de licenciement (Comité d’Entreprise ou Comité d’établissement ou Commission de contrôle (services interentreprise) ou en cas de désaccord l’inspecteur du travail peut trancher (Art. R 241-31 du code du travail).
A l’égard des salariés, la responsabilité civile du médecin du travail est personnelle (l’indépendance du médecin du travail dégage la responsabilité de l’employeur) avec une responsabilité médicale et technique.
La responsabilité pénale du médecin du travail peut être engagée sur les bases du code du travail ou du code pénal (homicides involontaires, coups et blessures volontaires ou involontaires (Art 222-19 du code pénal), secret professionnel, faux certificats (Art 441-8 du code pénal), secret de fabrication…) qui peuvent avoir pour conséquences une privation de liberté d’exercice ou une amende, voir plus.
L’exercice de la santé au travail doit être mené selon les normes professionnelles et les principes éthiques les plus rigoureux avec 3 rôles de prévention de : la santé des salariés, la santé publique et l’environnement.
La protection de la vie et de la santé du travailleur requiert 3 obligations : le respect de la dignité humaine (équité, non-discrimination et communication), une intégrité professionnelle et une impartialité avec le respect de la confidentialité
Les professionnels de la santé sont des experts qui ont une indépendance professionnelle et doivent acquérir et entretenir leurs compétences.
I.1. Responsabilité déontologique ou ordinale
Le décret n°95-1000 du 6 septembre 1995 du Ministère de la Santé Publique présente le nouveau Code de déontologie médicale. Les articles 95 à 99 concernent l’exercice salarié de la médecine comme suit :
ART. 95 : Le fait pour un médecin d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n’enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance de ces décisions. En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploi. Il doit toujours agir, en priorité, dans l’intérêt de la santé publique et dans l’intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce.
ART. 96 : Sous réserve des dispositions applicables aux établissements de santé, les dossiers médicaux sont conservés sous la responsabilité du médecin qui les a établis.
ART. 97 : Un médecin salarié ne peut, en aucun cas, accepter une rémunération fondée sur les normes de productivité, de rendement horaire ou toute autre disposition qui aurait pour conséquence une limitation ou un abandon de son indépendance ou une atteinte à la qualité de soin : (indépendance technique).
ART. 98 : Les médecins qui exercent dans un service privé ou public de soins ou de prévention ne peuvent user de leur fonction pour accroître leur clientèle.
ART. 99 : Sauf cas d’urgence ou prévu par la loi, un médecin qui assure un service de médecine préventive pour le compte d’une collectivité n’a pas le droit d’y donner des soins curatifs. Il doit adresser la personne qu’il a reconnue malade au médecin traitant ou à tout autre médecin désigné par celle-ci.
Une des conditions fondamentales de l’exercice de la médecine en France est l’inscription au tableau de l’Ordre des Médecins qui est investi d’un pouvoir disciplinaire.
Le médecin du travail est indépendant de son employeur dans l’exercice de son art. Il relève de l’Ordre des Médecins et est soumis au Code de déontologie.
Les règles du Code de déontologie concernent l’exercice salarié de la médecine: indépendance professionnelle, conservation des dossiers médicaux, établissement du contrat de travail.
Sauf cas d’urgence ou prévu par la loi, un médecin qui assure un service de médecine préventive pour le compte d’une collectivité n’a pas le droit d’y donner des soins curatifs.
Les plaintes ou l’initiative de la procédure peuvent venir de l’Ordre des médecins, du Procureur de la République, d’un syndicat professionnel, du Ministère de la Santé, d’un confrère, d’un salarié, de la Sécurité Sociale.
Quand un manquement aux règles de déontologie est constaté. le Conseil départemental instruit l’affaire et le Conseil Régional juge en première instance. Le Conseil national est la structure d’appel.
Les sanctions sont d’ordre disciplinaire et affectent l’exercice de la profession. Exemples: avertissement, blâme, interdiction d’exercer temporaire ou définitive, radiation. Ces sanctions sont indépendantes des peines prononcées par les juridictions pénales.
I.2. Responsabilité pénale
Il s’agit de la responsabilité d’un sujet vis-à-vis de l’ordre social, elle est régie par le Code Pénal. Hormis la responsabilité de tout individu, la responsabilité du médecin peut être mise en cause quelque soit le mode d’exercice et malgré le lien de subordination qui existe pour le médecin du travail vis-à-vis de l’employeur.
Elle n’intervient que comme modalité de sanction d’une faute (de soi-même).
Cette responsabilité est engagée dès qu’une faute, même minime, est identifiée.
Exemples : 9 cas possibles actuellement où la responsabilité médicale peut être engagée :
1- faute involontaire par négligence, imprudence ou manquement aux règles de l’art : homicides et blessures involontaires (articles 221-6, 221-7, 222-19 et 222-20),
2- atteinte volontaire à l’intégrité corporelle (article 222-7),
3- administration de substances nuisibles (article 222-15)
4- omission de porter secours à une personne en danger : non assistance à personne en danger (articles 223-1 à 7 et surtout 223 alinéa 2),
5- abandon d’un malade (article 223-3)
6- violation du secret professionnel : médical ou industriel (articles 226-13 et 14, code de la propriété intellectuelle à l’article L. 621-1 et l’article L. 152-7 du code du travail) (voir plus loin),
7- non respect des règles relatives aux certificats médicaux : établissement de faux certificats (article 441-8) (« La peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 F d’amende lorsque la personne visée exerce une profession médicale ou de santé et que l’attestation faisant état de faits inexacts dissimule ou certifie faussement l’existence d’une maladie, d’une infirmité ou d’un état de grossesse, ou fournit des indications mensongères sur l’origine d’une maladie ou d’une infirmité ou sur la cause d’un décès »),
8- mise en danger (article 223-1 et 223-2 en cas de personne morale),
9- abandons de déchets biologiques (article R. 641-1)
Il existe au moins 2 cas d’exonération de responsabilité pénale: l’altération de la conscience aux moments des faits et le cas de force majeure.
La faute ou infraction est jugée devant des tribunaux répressifs.
Suivant sa gravité il s’agira de (article 7,8 et 9 du code de procédure pénale) :
– Tribunal de Police, compétent pour les contraventions, délai de prescription d’un an.
– Tribunal Correctionnel, compétent pour les délits, délai de prescription de 3 ans.
– Cour d’Assises, compétent pour les crimes, délai de prescription de 10 ans.
(délai de prescription : temps à l’expiration duquel une action juridique ne peut plus être engagée).
Les sanctions sont des amendes ou des peines d’emprisonnement. La responsabilité pénale est personnelle et non assurable.
Une » Responsabilité pénale » est aussi prévue dans le code du travail aux articles suivant :
– Art R. 264-1 : « Les infractions aux dispositions des articles L. 241-1 à L. 241-11 (médecine du travail) et des règlements pris pour leur application seront passibles d’un emprisonnement de dix jours à un mois et d’une amende de 2500 à 5000 F ou de l’une de ces deux peines seulement ». En pratique, il s’agit le plus souvent de la responsabilité de l’employeur qui est engagée. Il n’existe pas actuellement de jurisprudence où le médecin a été déclaré responsable.
il pourrait y avoir des sanctions possibles en cas de non respect des mesures prévues dans les articles :
R 241-41-3 (fiche d’entreprise) : avec une obligation de sa mise à jour,
R 241-33 (rapport annuel d’activité) : le médecin du travail doit le présenter aux organismes de surveillance (Comité d’entreprise, Comité d’établissement, Conseil d’administration paritaire, Commission de Contrôle du service interentreprise…) et le transmettre au directeur régional et au médecin inspecteur régionale du travail et de la main d’œuvre
R 241-41-1 (plan d’activité annuel) : la prévision des études à entreprendre, le nombre et les fréquences minimales des visites des lieux de travail doivent être transmises à l’employeur qui les soumet pour avis au Comité d’hygiène, de sécurité et des Conditions de Travail ou aux délégués du personnel.
I.3. Responsabilité civile
La responsabilité civile concerne la réparation d’un préjudice subi par la victime à la suite d’un acte médical. elle régit les rapports des personnes entre elles. La condamnation civile peut s’ajouter à la condamnation pénale ou en être indépendante. Il s’agit de réparer un dommage en fonction de l’équation : faute + lien de causalité = dommage.
C’est à la victime d’apporter la preuve de ces 3 éléments, le magistrat devant analyser au regard du droit cette équation, le médecin expert ne donnant qu’un avis technique pour l’éclairer. Mais une nouvelle jurisprudence, l’arrêt Hédreul du 25 février 1997 (première chambre civile de la cour de cassation) rappel le devoir d’information du médecin mais renverse la charge de la preuve de l’exécution de l’obligation d’information en l’imputant au praticien. C’est désormais au praticien d’apporter la preuve en matière d’information.
La réparation du préjudice est toujours intégrale et non proportionnelle à la faute, elle se fera en argent (dommages et intérêts) ou en nature. La responsabilité civile est assurable.
Le Tribunal d’instance est compétent si la réparation est inférieur à 30000 francs
Le Tribunal de Grande instance est compétent si la réparation est supérieure à 30 000 francs.
Le délai de prescription est de 30 ans.
Depuis 1936 (arrêt Mercier), la jurisprudence pose le principe de la nature contractuelle de la responsabilité médicale (ceci concerne principalement l’exercice libéral de la médecine, en raison de l’existence d’un contrat tacite de soins entre le médecin et son patient).
Cependant en médecine du travail, le médecin est imposé au salarié, il n’existe donc pas véritablement de contrat entre les deux, bien que le médecin du travail soit nommé qu’avec l’accord de la collectivité (le Comité d’entreprise par exemple qui est une instance représentative des salariés) : ce qui suppose donc bien un » contrat » entre le salarié et le médecin du travail. La responsabilité du médecin du travail peut alors être contractuelle, par ce qu’il a aussi un » contrat » de responsabilité administrative en tant que salarié de l’employeur (le médecin du travail doit une certaine quantité d’heures à l’employeur par exemple) tout en gardant un » contrat » d’indépendance de soin (la qualité du travail effectué par le médecin du travail échappe à l’employeur).
La jurisprudence a tendance à qualifier cette responsabilité de délictuelle (en cas de faute volontaire) ou de quasi délictuelle (en cas de faute involontaire). L’intervention du médecin du travail en procède pas d’un choix du salarié mais est imposée réglementairement et par ce que le médecin du travail est le commettant.
La responsabilité civile délictuelle du médecin du travail, auteur de la faute, pourrait également être engagée quand il n’a pas accompli sa mission assignée par la loi (sauf en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle, qui sont hors champs car ils répondent à des règles particulières).
Exemples de faits dommageables :
– erreur de diagnostic : n’est pas toujours une faute sauf si elle traduit une négligence du médecin du travail (art. 33 du code de déontologie) : difficilement prouvable,
– faute au cours des soins d’urgences, des vaccinations +++ (voir plus loin),
– détermination de l’inaptitude sans s’être renseigner sur l’état de l’intéressé,
– omission de procéder à un examen réglementairement imposé : examen d’embauchage, visite annuelle alors que le salarié est soumis à une surveillance médicale spéciale semestrielle, besoin d’une visite complémentaire ou d’un examen complémentaire opportun (NFS chez un travailleur manipulant du benzène par exemple),
– En rapport avec la prescription d’examens complémentaires (Art 241-50 et 241-52 du code du travail) lors :
de la prescription : est une faute s’ils sont imposés réglementairement par des décrets spéciaux et arrêtés, sinon la question est plus nuancée (le risque-diagnostic ne doit pas dépasser le risque que fait courir la maladie) (Instruction TE 4/70 du 1/770 sur l’innocuité des examens complémentaires),
de la réalisation : est une faute s’ils sont non conformes aux données acquises ou actuelles de la sciences : vestusté ou trop avant gardiste, défaut de surveillance, non respect des précautions d’usage…(radiophotographie au lieu de cliché radiologique standard dans la surveillance des salariés exposés à l’amiante : trois fois plus irradiant et moins efficace sur le plan du dépistage),
de l’interprétation : erreur de lecture ou d’interprétation d’un examen complémentaire,
– le médecin du travail n’a pas la connaissance des résultats (c’est le problème du lien de causalité entre un examen complémentaire anormal (NFS) et son origine (Benzolisme…) par exemple).
– Absence d’études de postes, d’enquêtes épidémiologiques à propos d’une maladie susceptibles de retentir sur l’ensemble des salariés (maladies contagieuses),
– Etablissement de la fiche d’aptitude, du dossier médical, du rapport médical , du plan d’activité ou de la fiche d’entreprise : le médecin du travail agit en qualité de préposé dont l’employeur est civilement responsable (exemple : établissement d’une fiche d’aptitude sans avoir examiné le salarié, sans avoir respecté les conditions prévues à l’art R 241-51 du code du travail, ou mise en inaptitude d’un salarié parfaitement valide),
– Absence de mentions sur le dossier médical des données prévues par certains décrets spéciaux (exemple avec le benzène : le médecin du travail doit le noter sur le dossier avec la nature du travail effectué, la durée des périodes d’exposition et les résultats de tous les examens médicaux auxquels l’intéressé à été soumis dans l’établissement),
– Refus ou mentions inexactes inscrites sur la fiche médicale spéciale (Art. R 241-57 du code du travail) (demandée par le salarié ou lorsque celui-ci quitte l’entreprise)…
Le dommage et le lien de causalité :
– 2 types : la lésion corporelle a medico et le » résultat déficitaire de la thérapeutique » (en urgence) : « : l’absence de visites médicales obligatoires ou l’établissement fautif d’un diagnostic ne crée de préjudice que s’il peut être démontré que l’examen aurait nécessairement permis de déceler l’affection ou d’améliorer l’état de santé du travailleur « ,
– Les dommages seront le plus souvent corporels (en cas de contagion par exemple) et indirectement pécuniers ou moraux (perte d’emploi, mutation de poste avec perte de salaire…).
Les règles particulières pour l’accident du travail et la maladie professionnelle :
– Lorsque le médecin du travail commet une faute dans la détermination de l’aptitude ou dans les mesures de prévention et qu’elle est à l’origine d’un dommage (hématome à la suite d’une prise de sang mal faite par exemple) : une prise en charge est possible au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle : il n’y a pas » encore » de responsabilité civile dans les rapports entre la victime et l’employeur ou ses préposés (article L 451-1 du code de la sécurité sociale) sauf si la faute est inexcusable (article L 454-1) ou s’il résulte de la faute d’un tiers (article L 454-1) : le tiers étant une personne autre que l’employeur ou ses préposés (le médecin du travail ?)
– L’irresponsabilité du médecin du travail est irrecevable dès lors que la démonstration d’une faute inexcusable est effectuée. Il y a alors une indemnisation de l’intégralité du préjudice ; professionnel et personnel, mais la jurisprudence est en train de changer. Le médecin du travail est de plus en plus considéré comme un tiers, qui peut donc être alors responsable et non plus comme préposé car il n’y a pas de subordination à l’employeur.
Les jurisprudences actuelles renforcent entre les deux contractants les obligations : d’information orale et écrite (qui doivent être désormais compréhensibles par un non-médecin sur les risques prévisibles ou non d’un acte médical), de moyens, d’obtenir le consentement éclairé de la personne et de sécurité-résultat (voir plus loin).
I.4. Responsabilité contractuelle vis à vis de l’employeur
Les relations médecin du travail – employeur sont régies par un contrat, lequel doit être soumis au Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins, non pour une quelconque censure mais pour faire respecter un exercice en accord avec l’humanisme de la profession.
L’employeur doit accorder au médecin du travail les moyens d’assurer son exercice professionnel dans de bonnes conditions matérielles et en toute indépendance. Par ailleurs le médecin du travail doit se soumettre aux règles de l’entreprise et ne pas perturber sa bonne marche.
II. Secret professionnel du médecin du travail
Le secret professionnel concerne le médecin du travail d’un double point de vue.
Le secret médical est associé par tradition à l’exercice de la médecine, mais le médecin du travail, de part la nature même de sa mission (notamment le tiers-temps) peut être amené à prendre connaissance des dispositifs industriels de fabrication et de la composition des produits.
Ceci peut revêtir un caractère confidentiel. Il est donc également soumis au secret de fabrique.
II.1. Le secret médical
Il y est fait référence dans le serment d’Hippocrate, il a été officialisé par les articles 226-13 et 226-14 du Code pénal et l’article 4 du Code de déontologie médicale.
L’article 226-13 précise que : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende »
Dans le code du travail à l’article R 241-56 et pour le médecin du travail, on retrouve cette notion de secret médical mais indirectement mentionné avec : « Au moment de la visite d’embauchage, le médecin du travail constitue un dossier médical qu’il ne peut communiquer qu’aux médecins inspecteurs régionaux du travail et de la main-d’oeuvre, ou, à la demande de l’intéressé, au médecin de son choix »
Il concerne tout ce qui a été confié au médecin mais également tout ce que celui-ci a pu voir, entendre, déduire dans l’exercice de sa profession.
Le secret médical n’est pas opposable au patient lui-même, toutefois, l’article 35 du Code de déontologie permet au médecin d’apprécier en conscience la nécessité de laisser une personne dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave s’il estime qu’il n’est pas en mesure d’y faire face.
Le salarié ne peut pas délivrer le médecin du secret médical. Il est généralement aussi admis que le médecin peut passer outre vis-à-vis des proches si cela va dans l’intérêt du malade lui-même (mais ce qui est valable pour un malade le reste-t-il pour un salarié ?).
II.1.1. Dérogations légales au secret
II.1.1.1. Dérogations légales
– À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique. L’article 226-14 du code pénal alinéa 1 indique que l’article 226-13 relatif au secret professionnel » n’est pas applicable à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales et administratives de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de 15 ans « . L’information peut être donnée aux autorités judiciaires mais c’est toujours un possibilité et non une obligation. Ces mesures sont identiques pour les sévices ou privations à personne âgée ou handicapée.
– Au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises. C’est encore un possibilité et non une obligation,
– certificats médicaux :
Code pénal : coups et blessures (articles 222-11 et suivants), violences sexuelles (avec l’accord de la victime) (articles 226-14 al. 2), privations et sévices à mineurs de 15 ans ou à personnes âgée ou infirme (articles 226-14 al. 1, 222-11 et suivants, 223-3), dans le cadre des mesures de protection des incapables majeurs, infanticide, mauvais traitements envers un prisonnier, dénonciation de crime en train de se commettre et omission de témoignage, …
Code civil : naissance (article 55), décès (articles 78 et 81),
Code de la santé publique : maladies contagieuses et vénériennes (décrets des 29 janviers 1960 et 20 mai 1964), alcooliques dangereux, infractions à la législation sur les stupéfiants, de placement en milieu psychiatrique, arrêt maladie et prolongation,
Code du travail : maladies professionnelles, accidents du travail, arrêt de travail (initial, final) …
Autres certificats : prénuptial, d’I.V.G., d’examens de santé (carnet de santé de l’enfant), de vaccinations obligatoires…
– Témoignage en justice : devant une juridiction pénale le médecin est autorisé à témoigner pour se défendre : révélant des secrets dont il a eu connaissance lors de l’exercice de sa profession, il ne sera pas poursuivi, mais il peut se taire car il n’a pas d’obligation de témoignage. Le cas du médecin expert missioné ou du médecin requis dans les règles de la procédure judiciaire est différent. La mission lève le secret professionnel. Le médecin est alors auxiliaire de justice, apportant un avis technique. Mais devant une juridiction civile son témoignage serait une violation du secret,
– Crimes et délits : l’article 434-11 du code pénal indique que : » le fait, pour quiconque connaissant la preuve de l’innocence d’une personne détenue provisoirement ou jugée pour crime ou délit, de s’abstenir volontairement d’en apporter aussitôt le témoignage aux autorités judiciaires ou administratives est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende. » mais » (…) sont exemptées des dispositions du premier alinéas les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13 « ,
II.1.1.2. Dérogations jurisprudentielles
– À l’égard des héritiers, les secret peut être levé : en cas de vente viagère, qui sera annulée si celui qui l’a contractée décède dans les 20 jours suivant la vante ou s’il décède d’une maladie contractée avant celle-ci. Le médecin doit donner le diagnostic ; en cas de testament établi en état de démence,
– Le médecin appelé à se défendre dans le cadre d’une action en justice : il peut faire révélation des faits nécessaires à sa défense et uniquement ceux-ci,
– Les certificats médicaux autres que prévus spécifiquement par un texte législatif ou réglementaire mais d’usage courant (certificat de bonne santé, de dispense d’activité physique…).
II.1.1.3. Situations particulières
– Perquisition et saisie de dossier : dans le cadre de l’application de l’article 60 du code de procédure pénale, un officier de police judiciaire peut pratiquer toute perquisition et toute saisie. La saisie se fait alors en présence du médecin et d’un représentant du conseil de l’Ordre. Celui-ci se porte garant du respect de la saisie des pièces utiles et seulement celles-là,
– La réquisition judiciaire : l’expertise : il n’y a pas de secret dans le cadre de la mission judiciaire sur les questions posées par la mission (expertise) ou par la réquisition judiciaire dans le cadre de l’enquête en flagrance,
– Secret entre médecins : il existe entre le médecin traitant et le médecin du travail (voir plus loin)
II.1.2. Particularités dans le cadre de la médecine du travail
Le médecin du travail se trouve dans une situation particulière et délicate en raison de son rôle de conseiller au sein de l’entreprise.
Sa mission même est d’émettre un avis d’aptitude ou d’inaptitude d’un salarié à son poste de travail. avis qui sera transmis à l’employeur sans qu’il y ait transgression du secret médical. Le médecin du travail doit fournir a l’employeur les éléments suffisants à ces décisions futures tout en respectant le secret médical.
On peut noter cependant que pour certain pays européens la notion d’aptitude est incompatible avec le secret médical. Par exemple : un médecin du travail délivre une inaptitude partielle au port de charge à un chauffeur-livreur. Celui est alors changé de poste par son employeur tout en participant occasionnellement à des livraisons. Le salarié décède. Qui est responsable ?.
Il ne figurera aucun renseignement d’ordre médical sur la fiche d’aptitude du salarié.
Le médecin du travail est responsable des dossiers et des fiches qu’il établit et le Code du travail lui impose de prendre les dispositions matérielles assurant l’inviolabilité de ces documents (fichier médical sous clefs, inaccessible à toute personne étrangère au service).
Par ailleurs il est tenu de faire respecter le secret médical à toute l’équipe (infirmiers, secrétaires…) dont il a la responsabilité.
Il est légitime qu’il existe des relations entre le médecin traitant du salarié et le médecin du travail si celles-ci se créent dans l’intérêt du salarié. Toute correspondance entre le médecin traitant et le médecin du travail doit toujours se faire par courrier ouvert et par l’intermédiaire du salarié.
Le seul médecin à avoir accès au dossier médical d’un salarie est le médecin inspecteur régional du travail et la main d’œuvre (MIRTMO) (article D 612-1 du Code du Travail).
Si les dossiers médicaux sont gardés par le médecin du travail, il n’a cependant sur ces documents aucun droit de propriété personnelle. Un médecin du travail quittant son emploi transmettra intégralement les dossiers médicaux à son successeur.
La violation du secret médical est un acte grave et peut entraîner des sanctions pénales (amendes ou peines d’emprisonnement), des sanctions civiles (dommages et intérêts) et des sanctions disciplinaires .
II.2. Le secret de fabrique
Le délit de violation de secret de fabrique, qui était auparavant réprimé par l’article 418 du code pénal a été inséré dans le code de la propriété intellectuelle (art. L. 621-1) par la loi du 1er juillet 1992.
Toutefois, la loi du 1er juillet 1992, parce qu’il s’agissait d’une loi de codification, n’a pas modifié le contenu de cette incrimination, qui date pourtant de 1863. Cette infraction fait pourtant double emploi avec les dispositions du nouveau code pénal, notamment celles relatives aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, dans la mesure où elle réprime les violations faites au profit de pays étrangers.
C’est la raison pour laquelle l’article 236 de la loi d’adaptation a repris cette incrimination, sous une forme rénovée et cohérente avec les dispositions du nouveau code pénal, dans un nouvel article L. 152-7 du code du travail.
Cet article L. 152-7 incrimine désormais la violation d’un secret de fabrique commise par l’employé (directeur ou salarié comme le médecin du travail) d’une entreprise, sans distinguer, comme le faisait le texte de 1863, si la violation est faite ou non au profit d’un pays étranger. La peine est désormais de deux ans d’emprisonnement et 200 000 F d’amende. L’interdiction des droits civiques, civils et de famille est également encourue.
Le fondement de cette incrimination se trouve donc dans le contrat de travail de la personne employée dans une entreprise, contrat qui lui impose une sorte de secret professionnel vis à vis des tiers, et c’est pourquoi cette infraction a été insérée dans le code du travail. Toutefois, dans la mesure où ce délit protège également un droit de propriété intellectuelle, l’article 204 de la loi d’adaptation a transformé l’article L. 621-1 du code de la propriété intellectuelle en article » suiveur « , qui reproduit en les citant les dispositions du nouvel article L. 152-7 du code du travail.
L’article 10 de la Convention Collective Nationale du Personnel des Services Interentreprises de Médecine du Travail du 10 juillet 1976 stipule que « le secret professionnel tel qu’il est sanctionné par les articles 378 (médical) et 418 (industriel) du Code pénal s’impose « aux personnels des services interentreprises de Médecine du Travail ». Reste-il applicable au nouveau code pénal ?
De plus, l’article R 241-46 du Code du Travail précise que « le médecin du travail est tenu au secret du dispositif industriel et technique de fabrication et de la composition des produits employés ou fabriqués ayant un caractère confidentiel ».
Pour qu’il y ait violation du secret industriel il faut que le procédé présente effectivement un caractère original et confidentiel et que la révélation soit intentionnelle.
Le médecin du travail dépositaire d’un secret de fabrique doit en tenir le plus grand compte dans ses communications, publications et rapports et se montrer extrêmement prudent à ce niveau.
A noter que le respect du secret de fabrique n’a pas été prévu par le Code de déontologie.
III. Un exemple : Nouveaux aspects de la responsabilité du médecin du travail en matière de vaccinations
La responsabilité du médecin du travail pourrait désormais être engagée à l’occasion des vaccinations en tant que prescripteur et/ou vaccinateur.
Sur l’exercice 1996 de la médecine du travail, 2 déclarations pour complications après vaccination (dont une abusive) ont été rapporté par le Conseil Médical.
Il convient de distinguer trois types de vaccinations :
les vaccinations obligatoires de santé publique débutées dans l’enfance sui s’imposent ensuite aux travailleurs dans la mesure où elles présentent un intérêt professionnel : bilié de Calmette et Guérin; antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélitique ; antityphoparatyphoïdique pour les sujets de 10 à 30 ans résidant dans les territoires menacées par une épidémie de fièvres typhoparatyphoïdes, contre le typhus exanthématique en cas d’épidémie pour les sujets de 10 à 50 ans résidant dans une région contaminée ; et contre la rubéole pour les femmes de moins de 45 ans (obligation relative),
les vaccinations à caractère professionnel obligatoires à l’embauche du fait de l’emploi, de l’affectation et du poste de travail : une immunisation contre l’hépatite B et la typhoïde (et contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite) doit être obtenue lorsqu’une personne exerce une activité professionnelle dans certaines catégories d’établissements ou d’organismes publics, privés ou assimilés de prévention ou de soins ; et la vaccination contre la leptospirose est obligatoire uniquement à l’embauche pour les égoutiers,
les vaccinations à caractère professionnel proposées par le médecin du travail : contre l’hépatite A ou la leptospirose (après l’embauche) aux travailleurs exposés non immunisés par exemple ; les vaccinations contre la grippe (pour le personnel médical et paramédical par exemple) et contre la fièvre jaune (en cas de voyages professionnel en pays endémique) représentent des cas particuliers.
Bien que cela ne fasse pas partie de ses fonctions, le médecin du travail peut vacciner les travailleurs, car tout médecin doit avoir déontologiquement une action prioritaire de santé publique et parce que son rôle » consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail « . Mais il engage sa responsabilité ordinale, civile et pénale. Le médecin du travail doit auparavant s’entourer de précautions, il doit : s’assurer que l’employeur et l’employé sont d’accord, respecter le libre choix du médecin vaccinateur par le travailleur, prendre une assurance professionnelle pour lui-même et ses auxiliaires, utiliser un registre spécial des vaccinations, obtenir l’autorisation du médecin inspecteur du travail et informer la DDASS pour avoir un agrément du service (pour obtenir la couverture de l’Etat pour les vaccinations obligatoires)…
Les tribunaux peuvent chercher à établir la responsabilité du médecin du travail (prescripteur et/ou vaccinateur) dans au moins quatre situations : lors de la survenue d’une contamination d’un agent non immunisé, au cours d’un accident post-vaccinal, à l’occasion d’une perte d’emploi pour inaptitude et à cause du non respect du protocole d’élimination des déchets » issus d’activité diagnostique, de suivi et de traitement » .
Une nouvelle jurisprudence, l’arrêt Hédreul du 25 février 1997 (première chambre civile de la cour de cassation) rappel le devoir d’information du médecin mais renverse la charge de la preuve de l’exécution de l’obligation d’information en l’imputant au praticien.
Un arrêt de la même cour de cassation du 14 octobre 1997 vient enfoncer le clou en posant implicitement au médecin que le devoir d’information doit aussi » couvrir les risques exceptionnels de l’acte (=1%) dès lors que ce risque présente un caractère de gravité » !, mais aussi que » ce devoir d’information pèse aussi bien sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription « .
Plus inquiétant encore, un premier jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 mai 1997 qui, à défaut de prouver une faute du praticien (qui ne s’applique pour l’instant qu’aux chirurgiens pratiquant un acte » chirurgical « ) met à sa charge une » obligation de sécurité-résultat dès lors que le dommage dont la cause n’a pu être déterminée est en relation directe avec l’intervention pratiquée » ; et un autre jugement du 30 juin 1997 (qui s’applique pour tout praticien pratiquant un acte dans le but d’établir un diagnostic) ajoute à cette obligation-résultat une possibilité d’indemnisation sans faute du praticien » chaque fois que l’acte médical qu’il accomplit est nécessaire à son diagnostic et présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que son patient y soit particulièrement exposé, de réparer les dommages causés par cet acte dès lors que ces dommages sont sans rapport avec l’état initial du malade comme avec l’évolution prévisible de son état « . Si l’on admet que la vaccination puisse être un traitement (préventif), peut-on alors penser que cette obligation de sécurité-résultats s’applique en matière de vaccination ? Rien ne permet de s’y opposer quand on analyse la réglementation déjà existante : par exemple, l’arrêté du 15 mars 91 rend l’immunisation contre l’hépatite B, la typhoïde, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite obligatoire pour les personnels concernés par ce texte (et non la vaccination seule !), ce qui dévoile manifestement une volonté juridique dans ce sens.
Ces nouvelles jurisprudences ne doivent pas faire oublier d’autres devoirs que le médecin du travail doit accomplir en matière de vaccination : il doit délivrer une information loyale, claire , appropriée, intelligible au travailleur ; aussi bien sur les risques prévisibles et exceptionnels, en cas d’abstention vaccinale (si le travailleur refuse la vaccination par exemple) ; que sur la vaccination et sur les contre-indications ; cette information doit être officielle (elle pourrait être délivrée à partir d’une fiche technique élaborée par une société savante comme l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation (ex-ANDEM) ou le Conseil National de l’Ordre des médecins) ; il doit en outre obtenir le consentement éclairé du travailleur et respecter les obligations de moyens (conformes aux données acquises de la science) pour réaliser la vaccination. Devra-t-il, en plus, revoir systématiquement le travailleur après chaque vaccination pour confirmer la validité de celle-ci et l’absence (ou la présence) d’effets secondaires ?
Si ces jurisprudences sont conformes à l’évolution de notre droit, la cour de cassation ne donne aucune indication sur les moyens à utiliser pour faire la preuve de l’exécution de cette obligation d’information, ni sur le contenu de l’information à donner. Ceci confirme l’absence de loi sur l’aléa thérapeutique (préventif et curatif) !.
Nous ne pouvons qu’apporter quelques conseils :
En matière de preuve de l’information : mieux vaut utiliser de plus en plus les écrits (porter une mention sur le dossier ou la fiche du travailleur, adresser une lettre datée et signée au confrère en présence du travailleur avec une copie à remettre dans le dossier ou adressée au travailleur lui-même et remise d’un document d’information signé par le travailleur), que des témoins ou de preuves par présomption.
Pour la forme de l’information : on pourrait s’inspirer de la formule donnée par le Groupe des assurances mutuelles médicales (GAMM) qui réuni en coassurance le Sou médical et la Mutuelle d’assurance du corps de santé français (MACSF) en l’adaptant à la vaccination. La formule proposée pourrait être ; » je reconnais que la nature de l’acte vaccinal et du vaccin ainsi que ses risques et avantages m’ont été expliqués en termes que j’ai compris et qu’il a été répondu de façon satisfaisante à toutes les questions que j’ai posées » à laquelle on rajouterai cette autre formule d’information : » ce document ne constitue pas une décharge de responsabilité du médecin à votre égard, mais une obligation qui lui est faite de vous délivrer une information orale et écrite, loyale, simple et intelligible (article 35 du Code de Déontologie médicale) « .
» le risque zéro n’existant pas en médecine, l’information totale et exhaustive est irréaliste » (Conseil National de l’Ordre des médecins, 1996) et, compte tenu de l’enjeu, la Cour suprême ne pourrait-elle pas éclairer les travailleurs et les médecins du travail sur la portée du revirement de ces jurisprudences ?
La création d’un fond d’indemnisation par la Commission Nationale des Accidents Sanitaires (Claude Evin) qui aura la charge » d’assister toute personne victime d’un accident sanitaire dans le cadre de l’établissement d’un diagnostic, d’une intervention chirurgicale ou d’un traitement médical (préventif ?) » permettra-t-il d’indemniser les victimes d’accidents vaccinaux ?
Ce renversement de la charge de la preuve ne risque-t-il pas d’altérer la relation patient(travailleur)-médecin(s) et entre confrères avec la co-responsabilité de la prescription-réalisation de la vaccination?
Ce principe nouveau, s’il est appliqué avec rigueur, contribuera-t-il réellement à améliorer la condition des travailleurs (et des patients) ?
IV. Bioéthique médicale
IV.1. Aspects éthiques
Les articles 18, 19, 30 et 31 du Code de déontologie concernent directement les essais thérapeutiques mais seulement lorsqu’ils sont pratiqués sur un homme malade avec un but thérapeutique direct.
La recherche biomédicale et l’expérimentation sur l’homme sain, lorsque le but thérapeutique n’existe pas, ont fait l’objet de divers documents internationaux comme les recommandations de l’association médicale mondiale à Tokyo en 1975, les décrets 75 et 76 de la C.E.E. et de directives nationales du comité national d’éthique en France dont le rapport en date du 9 octobre 1984.
IV.2 Aspects juridiques
Le vide juridique qui existait en France a été comblé par la loi relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales-loi 88-1138 du 20 décembre 1988 (dite loi Huriet).
Elle est insérée dans le livre II du Code de la santé publique dans les articles L. 209-1 à L. 209-21.
Elle est renforcée par les articles 223-8 et 223-9 du Code pénal. L’article 223-8 insiste sur le caractère fondamental du consentement libre éclairé et exprès. Le consentement ne peut être recueilli qu’après information de la personne qui se prête à la recherche biomédicale. L’information est précise et les informations sont communiquées à la personne dans un document écrit.
Le champ d’application des recherches biomédicales comprend les essais, les études et les expérimentations organisés en vue de connaissances biologiques ou médicales.
La loi prévoit un promoteur qui prend l’initiative de la recherche (personne morale avec obligation d’assurance pour la responsabilité civile du promoteur.
L’avis du comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale doit être obtenu.
Les recherches biomédicales sans finalité thérapeutique directe font l’objet de conditions particulières et ne sont admises qu’avec des conditions très restrictives chez : les femmes enceintes ou qui allaitent, les mineurs, les majeurs sous tutelle, les personnes séjournant dans un établissement sanitaire ou social et les malades en situation d’urgence. Elles ne doivent comporter aucun risque prévisible sérieux pour la santé des personnes. Elles doivent être précédées d’un examen médical des personnes concernées. Une indemnité peut être versée en compensation des contraintes subies sauf pour les mineurs, majeurs sous tutelle et personnes hospitalisées. Le montant annuel des indemnités est limité et une personne ne peut se livrer à deux essais à la fois. Un délai est fixé entre deux recherches pour une personne qui s’y soumet par le comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (C.C.P.P.R.B. ) remplacé par les Comités de Protections des Personnes. Les recherches biomédicales sans finalité thérapeutique directe ne peuvent être réalisées que dans des lieux équipés et agréés par le ministère de la santé.
Les Comités de Protection des Personnes existent dans chaque région. L’investigateur, avant de commencer une recherche, doit soumettre son projet pour avis du comité consultatif compétent localement. Le comité rend son avis sur la validité de la recherche, son intérêt, la qualité des moyens mis en œuvre, la protection, l’information et les mesures d’indemnisation des personnes participant à l’étude. Il communique ses avis défavorables au ministère de la santé.