Arrêté du 6 juin 1987 portant application de l’article 19 du décret N°86-269 du 13 février 1986 relatif à la protection des salariés exposés au benzène, déterminant le recommandations et fixant les instructions techniques que doivent respecter les médecins du travail assurant la surveillance médicale des salariés exposés au benzène

Le ministre des Affaires sociales et de l’emploi et le ministre de l’agriculture,
Vu le code du travail ;
Vu le décret n°86-269 du 13 février 1986 relatif à la protection des travailleurs exposés au benzène, et notamment son article 19 ;
Vu l’avis de la Commission nationale d’hygiène et de sécurité du travail en agriculture ;
Vu l’avis du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (commission spécialisée en matière de médecine du travail)

Arrêtent :

Art 1er. – Le document annexé au présent arrêté détermine les recommandations et fixe les instructions techniques que doivent respecter les médecins du travail assurant la surveillance médicale des salariés exposés au benzène.

Art 2. – L’arrêté du 11 septembre 1947 fixant le termes des recommandations prévues pour les visites médicales effectuées en vertu du décret du 16 octobre 1939 modifié et abrogé.

Art 3. – Le directeur des relations du travail et le directeur des exploitations, de la politique sociale et de l’emploi sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal Officiel de la République française.

Fait à Paris le 6 juin 1987
(J.O. du 19 juillet 1987)

ANNEXE

1° Principes généraux de la surveillance médicale

1.1 Mise en œuvre :
La surveillance médicale des salariés exposés au benzène se fonde :
– sur des examens cliniques ;
– et sur des examens biologiques, à l’initiative du médecin du travail.
La surveillance médicale (article 17 du décret n°86-269 du 13 février 1986) :
– à l’embauche, ou avant l’affectation à un poste de travail exposant au risque ;
– ou lorsque le salarié se déclare incommodé par les travaux qu’il exécute.

1.2 Finalités :
L’objectif de ces examens est, d’une part, de mettre en évidence des anomalies préexistantes ou des facteurs de plus grande sensibilité aux effets du benzène et, d’autre part, de déceler des atteintes toxiques précoces, mais encore réversibles.
Ils sont également destinés à établir les recommandations concernant l’avis d’aptitude au travail, ainsi que la surveillance médicale après cessation de l’exposition au risque.

2° Surveillance biologique

La surveillance biologique constitue le complément indispensable de la surveillance clinique.
Elle se fonde sur le dosage de l’hémoglobine, la numération des hématies, des leucocytes et des plaquettes.
Les résultats de ces examens doivent être interprétés avec prudence :
– d’une part, les résultats des examens hématologiques pratiqués sur le sang périphérique ne reflètent pas toujours précocement une atteinte éventuelle de la moelle osseuse, dont les lésions peuvent être d’ailleurs être tardives ;
– d’autre part, il n’existe pas de limite précise entre les valeurs hématologiques de référence certainement normales et des valeurs hématologiques de référence qui imposerait dans tous les cas le retrait de l’exposition du salarié au risque.
Compte tenu de ces deux observations, les valeurs suivantes sont à prendre en considération.

2.1 Valeurs de référence
– Hémoglobine :
Supérieur à 13 grammes, inférieure à 18 grammes : 100 ml chez l’homme ;
Supérieur à 12 grammes, inférieure à 16 grammes : 100 ml chez la femme.
– Hématies par millimètre cube :
Supérieures à 4 millions, inférieures à 6 millions chez l’homme ;
Supérieures à 3,7 millions, inférieures à 5,5 millions chez la femme.
– Leucocytes :
Nombre global :
– supérieur à 3500 ;
– inférieur à 11000.
– Polynucléaires :
– supérieurs à 1800;
– inférieurs à 9000.
– Lymphocytes :
– supérieurs à 1400
– inférieurs à 4000.
– Thrombocytes (plaquettes) par millimètre cube :
– supérieur à 150 000
– inférieurs à 400 000.
Ces chiffres doivent être appréciés en valeur absolue et non en pourcentage, car seul le niveau réel de la population cellulaire considérée est important.
En raison de l’atteinte constante et souvent précoce des thrombocytes dans l’intoxication benzénique, leur numération constitue un indicateur particulièrement significatif dans la surveillance hématologique.

2.2 Interprétation des résultats :
L’interprétation des résultats des examens de la surveillance hématologique exige un certain nombre de précautions.

Lorsque les valeurs données par un examen hématologique atteignent (ou excèdent) le niveau inférieur ou le niveau supérieur de référence, elles doivent être contrôles par un nouvel examen.

Une attention particulière sera accordée à des modifications progressives et concordantes des résultats, quels qu’il soient, même à l’intérieur des valeurs hématologiques de référence.

Sur le plan d’une collectivité de travail exposée au risque benzénique, le dosage des phénols urinaires, effectués sur les urines recueillies avant et après le poste de travail, peut présenter un certain intérêt pour compléter les contrôles d’atmosphère des locaux de travail et orienter la surveillance médicale et hématologique des travailleurs concernés. Cette méthode n’est cependant pas utilisable dans tous les cas. Certains sujets présentent spontanément un taux d’élimination urinaire des phénols au-delà de 20 mg/l. Les concentrations moyennes de vapeurs de benzène dans l’atmosphère des locaux de travail inférieures à 10 ppm rendent la surveillance de la phénolurie, non seulement aléatoire, mais sans objet, car elle ne peut influencer d’une manière significative l’élimination spontanée moyenne habituelle.

Certaines causes d’erreur existent du fait d’altérations dues au tabagisme (polynucléose surtout, polyglobulie), à l’alcoolisme chronique (anémie macrocytaire, élévation du volume globulaire moyen, thrombopénie).

Certaines anomalies hématologiques, telles que les neutropénies isolées constitutionnelles, familiales ou ethniques, sont le plus souvent fondamentalement bénignes. Ces cas doivent faire l’objet d’une confirmation diagnostique, mais ne justifient pas un avis d’inaptitude. Il en est de même lorsque le contexte et le résultat de l’examen font évoquer le diagnostic de thalassémie mineure ou de drépanocytose. Le constat d’une thrombopénie isolée, de mécanisme périphérique par hypersplénisme, doit également être discuté par rapport à l’aptitude au travail.

Le recours à l’avis d’un médecin ou d’un service hospitalier spécialisé se révèle souhaitable en présence de tels cas, le médecin du travail restant seul juge et responsable de l’avis d’aptitude.

L’existence de ces causes d’erreur ou de ces anomalies souligne l’importance d’un bilan clinique et biologique, éventuellement confirmé préalablement à l’exposition au risque.

3° Avis d’aptitude au travail

Tout avis d’inaptitude au travaux exposant au risque benzénique doit être médicalement apprécié en fonction d’arguments cliniques et hématologiques, ainsi que d’une étude précise des conditions de travail, de la composition des produits utilisés, de la réalité contrôlée de l’exposition au risque. Il doit comporter sur le plan hématologique un examen de contrôle sur le sang capillaire avec comptage automatique.

Les hémopathies évolutives, les affections touchant aux plaquettes, les antécédents d’hémopathie aplasiante due au benzène, à des chimiothérapies, à des radiothérapies ou à des médicaments à effet aplasiant constituent des contre-indications formelles.

Les autres hémopathies, par exemple, les anémies microcytaires sidéropéniques, les anémies macrocytaires et mégaloblastiques, les anémies hémolytiques doivent généralement faire l’objet d’avis spécialisé, mais elle ne constituent pas à priori des causes d’inaptitude. Il en sera de même en présence d’une neutropénie isolée constatée à l’embauchage, d’une polycytémie fortement microcytaire évoquant une thalassémie mineure, une drépanocytose ou une thrombopénie isolée.

La constatation d’un état caractérisé de malnutrition ou de dénutrition, de carences alimentaires et la mise en évidence d’altérations fonctionnelles hépatiques manifestes représentent des contre-indications, temporaires ou définitives, selon les cas.

4° Surveillance médicale après cessation de l’exposition

La surveillance médicale clinique et biologique de tout salarié ayant été exposé au benzène et demeurant lié contractuellement à l’entreprise est maintenue au moins pendant les six mois suivant la fin de l’exposition.

Lorsque le changement d’affectation d’un salarié dans l’entreprise intervient à la suite du constat de modification ou d’une anomalie des résultats d’examens hématologiques, la surveillance médicale clinique sera maintenue aussi longtemps que persisteront ces signes.

Afin d’assurer la continuité de la surveillance médicale du salarié par le médecin du travail d’une autre entreprise ou par le médecin traitant, en cas de changement d’entreprise ou de cessation d’activité professionnelle, la fiche prévue au troisième alinéa de l’article R.241-57 du code du Travail est remise à tout salarié qui en fait la demande. Ce document de liaison reprend les éléments significatifs du dossier médical en matière d’investigations cliniques et d’exposition, afin de permettre une meilleur information du nouveau médecin, avec le concours du salarié lui même.

Le dossier médical constitué pour chaque salarié affecté ou ayant travaillé à un poste l’exposant au benzène est adressé, en cas de cessation d’activité de l’établissement, au médecin inspecteur régional du Travail qui peut le transmettre, à la demande du salarié, au médecin du travail du nouvel établissement où le salarié est employé.

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