Organisation réglementaire de la prévention de l’intoxication professionnelle par le benzène

I- Réglementation

Elle repose essentiellement sur le décret 86-269 du 13 février 1986 relatif à la protection des travailleurs exposés au benzène, modifié par le décret 91-880 du 6 septembre 1991.

Il est complété par :

  • l’arrêté du 1er mars 1986, modifié par les arrêtés du 2 décembre 1986 et du 11 septembre 1992 fixant les modalités d’application des articles 2, 5 et 6 du décret 86-269.
  • l’arrêté du 6 juin 1987 déterminant les recommandations et fixant les instructions techniques que doivent respecter les médecins du travail assurant la surveillance médicale des salariés exposés au benzène,
  • l’arrêté du 1er mars 1988 fixant les modalités d’application du décret du 13 février 1986.

A compter du 27 juin 2000, de nouvelles prescriptions fixées par la directive européenne 97/42/CE du 27 juin 1997 devraient être prises en compte pour la protection des travailleurs exposés au benzène.

II- Champ d’application

  • Les dispositions du décret du 13 février 1986 concernent tous les établissements dans lesquels les travailleurs sont exposés aux vapeurs de benzène.
  • Toutefois, des restrictions sont appliquées pour les établissements dans lesquels la concentration moyenne dans l’air des vapeurs de benzène n’excède pas 1 ppm (3,2 mg/m3) par journée de travail. Il en est de même pour les stations de distribution de carburants à l’air libre, ainsi que pour les postes de chargement à l’air libre des camions citernes de carburants.

III- Interdiction

Il est interdit d’employer des dissolvants ou diluants renfermant en poids, plus de 0,1% de benzène, sauf lorsqu’ils sont utilisés en vase clos. Cette interdiction s’applique dans les mêmes conditions à toute préparation notamment aux carburants, utilisés comme dissolvant ou diluant (décret du 6 septembre 1991). Des dérogations peuvent être accordées, à titre temporaire, par le directeur régional du travail et de l’emploi, à condition que l’employeur démontre que la valeur limite ne peut être respectée et que la VME sera respectée.

IV- Déclaration de l’exposition

Tout employeur occupant des travailleurs exposés au benzène est tenu d’en faire la déclaration à l’inspecteur du travail. Une copie de cette déclaration est transmise au service de prévention des organismes de Sécurité Sociale. Un double est tenu à la disposition des travailleurs concernés, des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) (ou à défaut des délégués du personnel), de l’inspecteur du travail, des techniciens régionaux de prévention, des agents des services de prévention des organismes de Sécurité sociale, du médecin du travail et du médecin-inspecteur régional du travail.

V- contrôle de l’exposition

  • Le contrôle de l’exposition des travailleurs aux vapeurs de benzène doit être fait par un organisme agréé conformément à des méthodes et selon des procédures définies par arrêté des ministres chargés du travail et de l’agriculture.
  • Ce contrôle est à la charge de l’employeur. Le directeur départemental du travail et de l’emploi ou le chef de service départemental de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricole peut autoriser l’employeur à procéder lui-même à ces contrôles s’il se conforme aux procédures fixées.

A- Valeurs limites d’exposition

  • La concentration en vapeurs de benzène de l’air inhalé par un travailleur ne doit pas dépasser 5 ppm
    (16 mg/m3) en moyenne par journée de travail, soit sur 8 heures de travail (= VME).
  • La directive CE du 27 juin 1997 prévoit à compter du 27 juin 2000 de nouvelles prescriptions ; la VME du benzène ne devra pas dépasser 1 ppm (3,2 mg/m3). A titre transitoire, jusqu’à 3 ans après la date indiquée, les états membres pourront retenir une valeur de 3 ppm (9,6 mg/m3).

B- Périodicité

  • Une campagne de mesures est réalisée au moins une fois par an dans tous les établissements exposant aux vapeurs de benzène, et renouvelée partiellement ou totalement lors de modification notable des installations ou des procédés de travail et après tout incident susceptible d’augmenter l’exposition des travailleurs.
  • Hormis les établissements pour lesquels la VME est inférieure à 1 ppm, les stations de distribution de carburants et les postes de chargement de camions citernes à l’air libre, le contrôle de l’exposition doit, s’il n’est pas permanent séquentiel, être effectué plus souvent : au moins une fois par trimestre. Cette périodicité peut être portée à 6 mois si, au cours des 3 campagnes de mesures précédentes, les résultats montrent que la VME n’excède pas 2,5 ppm (8 mg/m3).
  • Dans les établissements utilisant du benzène de manière discontinue, le contrôle de l’exposition est effectué lorsque ces produits sont effectivement employés.
  • Le programme des contrôles est défini, préalablement à la réalisation des mesures, dans un document établi par l’employeur après avis du CHSCT ou à défaut, des délégués du personnel, et du médecin du travail. Ce document est à la disposition de l’inspecteur du travail et des techniciens régionaux des services de prévention des organismes de sécurité sociale.
  • Les résultats des contrôles sont à la disposition des travailleurs exposés, du médecin du travail, du CHSCT (ou à défaut, des délégués du personnel), de l’inspecteur du travail, des techniciens régionaux de prévention, des agents du services de prévention des organismes de sécurité sociale.

C- Contrôle permanent

Lorsque le contrôle de l’exposition aux vapeurs de benzène est fait de manière permanente, les moyens analytiques mis en œuvre doivent être réétalonnés au moins une fois par an.

D- Dépassement des valeurs limites

Tout dépassement de la VME (5 ppm) doit entraîner un nouveau contrôle dans les 48 heures. Si le dépassement est confirmé, la présence des travailleurs affectés sur les lieux concernés doit être suspendue jusqu’à ce que des mesures correctives aient été mises en place, exception faite pour le personnel d’intervention. Le retour n’est autorisé que lorsque la concentration atmosphérique moyenne est, de nouveau, inférieure à la VME.

VI- Prévention technique

A- Prévention technique collective

  • Les travaux comportant l’utilisation de benzène ou de produits en renfermant doivent se faire autant que possible en appareils clos.
  • En cas d’impossibilité, les postes de travail concernés doivent être équipés de moyens efficaces assurant l’évacuation des vapeurs ou être en confinement d’air même pour les transvasements. Une consigne écrite, prise par l’employeur après avis du CHSCT fixe les conditions d’entretien préventif des installations. Les appareils de prévention collective doivent être vérifiés au moins une fois par semaine. Les résultats des vérifications sont à la disposition de l’inspecteur du travail, des techniciens régionaux de prévention, des agents des services de prévention des organismes de Sécurité Sociale, du médecin du travail et des membres du CHSCT (ou à défaut, des délégués du personnel).
  • Les produits contenant du benzène doivent être conservés dans des conteneurs fermés, correctement étiquetés (inflammable et toxiques) et stockés dans des locaux frais et aérés avec des bacs de rétention.
  • L’accès aux locaux où la concentration atmosphérique du benzène est susceptible de dépasser 1 ppm est limité aux personnes dont la fonction l’exige. Ces locaux doivent être balisés par des panneaux indiquant la présence possible de benzène et rappelant l’interdiction de pénétrer sans motif.

B- Prévention technique individuelle

  • Des appareils de protection respiratoire individuels sont mis à la disposition des travailleurs affectés à un poste exposant au benzène.
  • Le personnel d’intervention d’urgence doit être équipé de moyens de protection corporelle et d’appareils respiratoires isolants autonomes.
  • Les frais de fourniture et d’entretien de ces équipements incombent à l’employeur.
  • Les travailleurs exposés doivent également respecter les conditions générales d’hygiène : ne pas boire, manger, fumer sur le poste de travail, ne pas se laver les mains avec un produit contenant du benzène.

C- Formation et information du personnel exposé

  • Les travailleurs exposés au benzène reçoivent une formation portant sur les risques qu’ils encourent ainsi que sur les moyens mis en œuvre pour les éviter, formation à laquelle participe le médecin du travail. L’employeur doit remettre à chacun une consigne écrite rappelant ces risques.
  • Ils reçoivent également une formation en ce qui concerne le port des équipements de protection individuelle et le mode d’évacuation en cas de fuite.
  • Le personnel d’intervention en cas de fuite reçoit une formation sur les mesures à prendre pour le rétablissement des conditions normales de travail et sur l’application de la consigne d’entretien préventif.
  • Ces formations seront dispensées à tout travailleur concerné avant son embauchage puis répétées au moins une fois par an.
  • Les travailleurs en contrat de travail à durée déterminée et les intérimaires doivent bénéficier d’un accueil et d’une information adaptés et en particulier, recevoir une formation à la sécurité renforcée s’ils sont affectés à des postes qui peuvent les exposer au benzène.

D- Plan de prévention

Quand une entreprise extérieure doit intervenir dans des locaux où une exposition au benzène est possible, un plan de prévention doit être préalablement arrêté et établi par écrit, quelle que soit la durée prévisible de l’opération. Ce plan est tenu, pendant toute la durée des travaux, à la disposition de l’inspecteur du travail, des agents des services de prévention des organismes de Sécurité Sociale et le cas échéant, de l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, des médecins du travail de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise extérieure. Le chef de l’entreprise utilisatrice avise par écrit l’inspecteur du travail de l’ouverture des travaux.

VII- Surveillance médicale

  • Une exposition au benzène entraîne la mise en place d’une surveillance médicale spéciale basée sur des examens cliniques et biologiques.
  • Les dispositions détaillées ci-après ne s’appliquent pas aux travaux effectués dans des appareils rigoureusement clos. De même, lorsque des mesures particulières de prévention assurent une protection efficace des travailleurs, le directeur départemental du travail et de la main d’œuvre, après avis du médecin inspecteur du travail et du comité d’entreprise ou de la commission de contrôle ou à défaut des délégués du personnel peut dispenser le chef d’établissement d’assurer la surveillance médicale spéciale du personnel. Dans tous les autres cas, le personnel effectuant des travaux comportant la préparation, l’emploi ou la manipulation de préparations contenant du benzène ou y exposant, est soumis à une surveillance médicale spéciale sur la base d’une heure par mois pour dix salariés.

A- Avant l’affectation au poste exposant

Un travailleur ne peut être affecté à des travaux l’exposant au benzène que s’il a fait l’objet d’un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d’aptitude atteste qu’il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux. Cette visite comporte systématiquement :

  • un examen clinique ciblé en particulier sur les organes cibles (neurologique, hématologique, digestif),
  • un hémogramme avec en particulier dosage de l’hémoglobine, numération des hématies, des leucocytes et des plaquettes.

Des valeurs de références sont proposées par la réglementation :

  • Hémoglobine : homme : 13-18 g/100 ml ; femme : 12-16 g/100 ml
  • Hématies : homme : 4-6 millions/m3 femme : 3,7-5,5 millions/m3
  • Leucocytes :
  • nombre total : 3 500-11 000 / mm3
  • polynucléaires : 1 800-9 000 / mm3
  • lymphocytes : 1 400- 4 000 /mm3
  • Plaquettes : 150 000-400 000 / mm3
  • La surveillance biologique est le complément indispensable de la surveillance clinique, mais ses résultats doivent être interprétés avec prudence.
  • Tout avis d’inaptitude doit être médicalement apprécié, en fonction d’arguments cliniques et hématologiques (hémogramme), ainsi que d’une étude précise des conditions de travail, de la composition des produits utilisés, de la réalité contrôlée de l’exposition au risque.
  • Les hémopathies évolutives, les antécédents d’hémopathie aplasiante, les états de dénutrition, malnutrition ou de carence alimentaire ainsi que les altérations fonctionnelles hépatiques sont des contre-indications formelles à l’exposition au benzène. De même, les femmes enceintes ou allaitant ne peuvent être affectées ou maintenues à des postes les exposant à cet hydrocarbure. Les jeunes gens de moins de 18 ans ne peuvent être exposés que s’ils sont apprentis et que l’exposition est liée à une tâche nécessaire à leur formation professionnelle. Les hémopathies autres que celles citées ci-dessus ne constituent pas a priori des causes d’inaptitude, mais doivent faire l’objet d’une demande d’avis spécialisé.
  • Le travailleur ou l’employeur peut contester l’avis d’aptitude, dans les quinze jours qui suivent sa délivrance, auprès de l’inspecteur du travail. Celui-ci statue après avoir pris l’avis du médecin-inspecteur du travail qui peut faire pratiquer les examens complémentaires de son choix, aux frais de l’employeur.

B- Surveillance médical pendant l’exposition

  • La surveillance médicale comporte tous les 6 mois :
  • un examen clinique,
  • un hémogramme avec en particulier dosage de l’hémoglobine, numération des hématies, des leucocytes et des plaquettes.
  • La fiche d’aptitude doit être renouvelée tous les 6 mois après examen par le médecin du travail. Cette fréquence peut être augmentée à l’initiative du médecin du travail. Celui-ci pourra par ailleurs prescrire tout examen complémentaire (bilan hématologique complémentaire, biométrologie) ou toute consultation spécialisée qu’il jugera nécessaire. Les causes d’inaptitude et les modalités de contestation de l’avis sont les mêmes que ceux indiqués pour l’examen préalable à l’affectation au poste.
  • En dehors des visites périodiques, l’employeur est tenu de faire examiner par le médecin du travail tout travailleur qui se déclare incommodé par les travaux qu’il exécute. Cet examen peut également être fait à l’initiative du salarié.
  • Le médecin du travail doit être informé des absences supérieures à 10 jours des travailleurs exposés au benzène.
  • Lorsqu’un travailleur est atteint d’une pathologie liée à une exposition au benzène, tout le personnel susceptible d’avoir été exposé sur le même lieu de travail doit faire l’objet d’un examen médical assorti éventuellement d’examens complémentaires. Un contrôle des conditions de travail doit, en outre être effectué.
  • Les travailleurs bénéficiant d’une rente d’incapacité permanente au titre des affections provoquées par le benzène ne peuvent pas être maintenus à des postes de travail les exposant au benzène.

C- Documents médicaux

  • Pour chaque travailleur exposé au benzène, le dossier médical précise la nature du travail effectué, la durée des périodes d’exposition et les résultats des examens pratiqués.
  • Ce dossier est conservé pendant 30 ans après la cessation de l’exposition.
  • Si le travailleur change d’établissement, un extrait du dossier médical relatif aux risques professionnels est transmis au médecin du travail du nouvel établissement, à la demande du salarié. Si l’établissement cesse son activité, le dossier est adressé au médecin-inspecteur régional du travail qui le transmet éventuellement, à la demande de l’intéressé, au médecin du travail du nouvel établissement où l’intéressé est employé. Après le départ en retraite, c’est le service médical du dernier établissement fréquenté qui conserve le dossier médical.

D- Suivi post-professionnel

  • La surveillance médicale clinique et biologique de tout salarié ayant été exposé au benzène et restant lié contractuellement à l’entreprise est poursuivie systématiquement au moins 6 mois après la fin de l’exposition et le cas échéant, tant qu’il persiste des anomalies des examens hématologiques.
  • Les personnes qui ont été exposées au benzène au cours de leur activité salariée peuvent demander, si elles sont inactives, demandeurs d’emploi ou retraitées, à bénéficier d’une surveillance médicale post-professionnelle, prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie ou l’organisation spéciale de sécurité sociale sur le fonds d’action sanitaire et sociale. L’intéressé doit produire une attestation d’exposition remplie par l’employeur et le médecin du travail concernés. Le suivi post-professionnel est effectué par un médecin du choix de l’intéressé. Il comprend un examen clinique et un hémogramme tous les deux ans.

E- Réparation

Les affections provoquées par le benzène et les produits en renfermant sont réparées grâce aux tableaux n°4 du régime général pour les hémopathies (19 pour le régime agricole), n°4bis pour les affections gastro-intestinales (19bis pour le régime agricole, celui-ci reconnaissant également certaines affections neurologiques). Certaines affections neurologiques et dermatologiques peuvent également être réparés grâce au tableau n° 84 pour le régime général (48 pour le régime agricole).

Partagez cet article

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.