Asthme Professionnel

L’asthme professionnel est devenu la plus fréquente des maladies respiratoires professionnelles dans les pays industrialisés. Il est caractérisé par une obstruction bronchique variable au cours du temps, induite par l’inhalation de substances, poussières, fumées, gaz ou vapeurs, présentes dans l’environnement professionnel. La proportion d’asthmes professionnels parmi l’ensemble des asthmes est évaluée, selon les auteurs, entre 2 et 15 %.

II. Physiopathologie

Les asthmes professionnels peuvent relever de différents mécanismes, souvent intriqués et complexes :

II.1 – Asthmes de mécanisme allergique
Ils ne surviennent qu’après une durée d’exposition pouvant varier de quelques semaines à plusieurs années. IgE dépendants ou indépendants, ils affectent une minorité de sujets exposés et, après sensibilisation, récidivent lors de toute exposition à l’agent causal, même à faible concentration.
Les asthmes IgE dépendants résultent le plus souvent d’une sensibilisation à des molécules de haut poids moléculaire ( protéines ou polysaccharides d’origine animale ou végétale), ou certains agents de faible poids moléculaire ( isocyanates, anhydrides d’acide ou sels de platine) et affectent principalement des sujets atopiques.
Pour la majorité des agents chimiques de faible poids moléculaire, un mécanisme IgE dépendant n’a pu être démontré. Les asthmes professionnels dus à ces agents ne semblent pas favorisés par un terrain atopique. D’autres mécanismes tels que l’hypersensibilité à médiation cellulaire, l’activation du complément, ou encore l’histaminolibération non spécifique ont été évoqués.

II.2 – Asthmes de mécanisme pharmacologique
Les insecticides organo-phosphorés, par inhibition de la cholinesterase, entraînent une surcharge en acétylcholine provoquant un bronchospasme.

II.3 – Asthmes de mécanisme irritatif ou toxique
Ils surviennent au décours immédiat d’une exposition aigüe massive et accidentelle à un agent irritant bronchique. Mettant en jeu des mécanismes inflammatoires, ils ont été décrits initialement par S.M.Brooks, sous l’appellation de Reactive Airways Dysfunction Syndrome (RADS). La réexposition à l’agent causal à faible concentration n’induit pas la reproduction des symptômes. Les deux principaux agents étiologiques sont le chlore et l’ammoniac.

III. Etiologies

Plus de 200 substances d’origine animale, végétale, ou chimique peuvent être en cause. Le tableau suivant relate les principaux agents étiologiques de l’asthme professionnel.

Agents
Population exposée
– Agents de haut poids moléculaire: céréales boulangers, meuniers
protéines animales animaliers, éleveurs
enzymes fabrication de détergents, d’aliments
latex professions de santé
gommes végétales industrie pharmaceutique
– Agents de faible poids moléculaire : isocyanates peintres au pistolet, travailleurs de l’isolation, fabrication de matières plastiques (polyurethanes)
poussières de bois menuisiers, agents forestiers, ébénistes
anhydride d’acide fabrication de matières plastiques (résines epoxy)
persulfates alcalins coiffeurs
formaldehyde, glutaraldehyde professions de santé
colophane soudeurs (électronique)
sels metalliques (nickel, chrome, platine) métallurgie, galvanoplastie

IV. Diagnostic

IV.1. Interrogatoire
Tout asthme apparaissant chez un adulte en activité professionnelle devrait inciter à rechercher systématiquement une cause liée au travail, surtout si la victime appartient à un groupe professionnel  » à risque « .
Il est de règle de rechercher un terrain atopique, surtout en cas d’asthme professionnel à des substances de haut poids moléculaire.
La survenue des symptômes peut être d’emblée évocatrice lorsqu’ils apparaissent pendant le travail ou dans la soirée ou la nuit suivant le travail et que l’on note une amélioration pendant les congés. Cependant le rythme lié au travail tend rapidement à s’atténuer, puis à disparaître si l’exposition persiste.

IV.2. Enquête environnementale professionnelle
L’étude du poste de travail ( actuel, antérieur, et avoisinant) et la recherche d’une exposition accidentelle aigüe antérieure sont fondamentales. Le rôle du médecin du travail est donc essentiel. Il est nécessaire d’obtenir la liste et la composition de tous les produits manipulés, leur conditions réelles de mise en oeuvre ainsi que les mesures préventives appliquées. Parfois, des prélèvements atmosphériques qualitatifs et quantitatifs sont nécessaires.

IV.3. Investigations immunologiques
La recherche d’une sensibilisation immunologique médiée par les IgE par tests cutanés réalisés grâce à des extraits standardisés ou avec les substances manipulées par le salarié ( » prick tests « ), ou mise en évidence d’IgE spécifiques ( » RAST « ), peut être utile au diagnostic d’asthme professionnel.

Cependant ces investigations comportent certaines limites :

leur positivité peut ne traduire qu’une sensibilisation purement immunologique,
leur sensibilité est médiocre,
la liste des produits pour lesquels un dosage des IgE spécifiques est possible en routine est limitée,
ces tests ne permettent d’explorer que les asthmes IgE dépendants.

IV.4. Epreuves fonctionnelles respiratoires et mesure de la réactivité bronchique non spécifique
L’examen spirométrique de base permet de confirmer le diagnostic d’asthme s’il met en évidence un syndrome obstructif, c’est à dire un coefficient de Tiffeneau (VEMS/CV) diminué de 20% par rapport à la théorique, réversible sous traitement bronchodilatateur.
En cas de normalité des EFR de base, il est nécessaire de réaliser une épreuve de provocation bronchique non spécifique à la méthacholine, à la recherche d’une hyper-réactivité bronchique non spécifique (HRBNS). La positivité de ce test est habituelle en cas d’asthme professionnel. Néanmoins, la réactivité bronchique peut être normale si elle est mesurée à distance de l’exposition au risque. Par contre, l’absence d’hyper-réactivité bronchique au décours d’une période d’exposition permet pratiquement de récuser le diagnostic.

IV.5. Débit expiratoire de pointe (DEP) et spirométrie étagée
La surveillance du DEP plusieurs fois par jour, en période de travail et pendant les congés (en géneral sur trois à quatre semaines avec au moins une semaine de repos), permet d’objectiver des variations des débits expiratoires rythmées par le travail. Le principal problème de cette méthode est la dépendance des mesures à la bonne volonté du sujet, sans controle médical.
La spirométrie étagée (spirométries réalisées grâce à des materiels portatifs à différents moment de la journée et/ou de la semaine) a l’avantage de permettre un controle objectif de la bonne réalisation des mesures.

IV.6. Tests de provocation spécifiques
Les tests de provocation spécifiques sont réservés aux cas complexes. Visant à mettre en évidence une diminution significative des débits expiratoires après inhalation de l’agent présumé responsable, ces tests sont potentiellement dangereux et nécessitent donc d’être réalisés en milieu hospitalier. Aussi, ils ne sont que rarement nécessaires, ce d’autant qu’ils ne sont pas obligatoires pour la reconnaissance légale des asthmes profesionnels mentionnés dans les tableaux.

V. Evolution et pronostic

En cas de poursuite de l’exposition, on assiste le plus souvent à une aggravation progressive de la maladie. L’amélioration des conditions de travail avec abaissement des niveaux d’exposition est le plus souvent insuffisante pour obtenir la régression des troubles, surtout en ce qui concerne les molécules de bas poids moléculaire.
L’arrêt de l’exposition, quand il est total et précoce, permet parfois une guérison complète avec disparition des symptômes, et normalisation de la fonction respiratoire et/ou de l’HRBNS. Cependant, d’après plusieurs études, plus de 50 % des patients soustraits à leur environnement professionnel conservent des symptômes respiratoires et une HRBNS. Une tendance à l’amélioration est toutefois habituelle, pouvant se poursuivre sur des périodes prolongées.
Un long intervalle entre le début des symptômes et l’éviction du risque, l’existence d’un syndrome obstructif sévère ou d’une importante HRBNS sont les facteurs déterminant d’une évolution péjorative de la maladie. Le sexe, l’age et l’atopie n’ont pas de valeur pronostique.

VI. Prévention

Des mesures de protection individuelles (appareils de protection respiratoire), ou collectives (manipulation en vase clos, aspirations adaptées, substitution du produit incriminé par un produit moins allergisant) visant à entraîner une diminution des niveaux d’exposition doivent être proposées.
Bien sûr, l’information et la formation des salariés sont indispensables.

VII. Réparation

Seize tableaux du régime général et deux tableaux du régime agricole permettent actuellement d’indemniser les asthmes professionnels en tant que maladie professionnelle : l’affection constatée doit alors correspondre à celle décrite dans la partie gauche du tableau, l’asthme sera confirmé par tests (sans précision) et la symptomatologie récidive après nouvelle exposition. Il y aura alors présomption d’imputabilité.
Par ailleurs, depuis la loi du 27 janvier 1993, le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles permet l’indemnisation d’asthme dont l’origine n’est pas mentionnée dans un tableau, s’il est établi que la maladie est « directement causée par le travail habituel de la victime ». Dans ce contexte la présomption d’imputabilité ne s’applique plus, et il revient à la victime d’apporter des éléments de preuve en faveur d’un lien de causalité entre l’exposition professionnelle et l’asthme.
En fait, lorsque le diagnostic d’asthme professionnel est posé, l’objectif étant, comme nous l’avons vu, l’arrêt de l’exposition au risque, le principal problème qui va se poser va être celui de l’aptitude au poste de travail. Le plus souvent un reclassement professionnel, au mieux au sein de l’entreprise, sera nécessaire.

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