Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l’agriculture et du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle,
Vu le code du travail et notamment les articles L.231-2 et L.231-7 ;
Vu le code de la sécurité sociale et notamment l’article 461-5 ;
Vu le code rural, notamment l’article 1170 ;
Vu le décret n°46-2959 du 31 décembre 1946 relatif à l’application des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale codifié ;
Vu le décret n°55-806 du 17 juin 1955 portant règlement l’administration publique pour l’application de l’article 1146 du code rural ;
Vu le décret n073-598 du 29 juin 1973 fixant les modalités d’application des sections II, III, IV, VI, VIII et IX du chapitre 1er du titre III du livre VII du code rural ;
Vu le décret n°73-1032 du 9 novembre 1973 portant publication des conventions internationales du travail n°135 concernant la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur accorder, et n°136 concernant la protection contre les risques d’intoxication au benzène ;
Vu le décret n°82-392 du 11 mai 1982 relatif à l’organisation et au fonctionnement des services médicaux du travail en agriculture ;
Vu l’avis de la Commission nationale d’hygiène et de sécurité du travail en agriculture ;
Vu l’avis du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels prévus à l’article L.231-3 du code du travail ;
Après consultation des organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs intéressés ;
Le Conseil d’État (section sociale) entendu,
Décrète :
Titre 1er
Champ d’application – Valeurs limites
Art. 1er. – I. – Les dispositions du présent décret sont applicables aux établissements ou parties d’établissements soumis aux disposition de l’article L.231-1 du code du travail dans lesquels des travailleurs sont exposés aux vapeurs de benzène et notamment dans les laboratoires de recherche, d’enseignement ou d’analyses.
II- Toutefois les dispositions des articles 5 (alinéa III), 12 à 22 ci dessous ne sont pas applicables aux établissements ou parties d’établissements dans lesquels la concentration moyenne dans l’air des vapeurs de benzène n’excède pas un millionième de volume (3,2 mg/m3) par journée de travail.
III- En outre les dispositions des articles 4 à 7 inclus et des articles 10 à 22 inclus ne sont pas applicables aux stations de distribution de carburant à l’air libre, ainsi qu’aux postes de chargement à l’air libre des camions citernes de carburants.
Art. 2. – Il est interdit d’employer des dissolvants ou diluants renfermant en poids plus de 0,2 % de benzène, sauf lorsqu’ils sont utilisés en vase clos.
Le directeur régional du travail et de l’emploi ou le chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles peut toutefois accorder dans des conditions fixées par arrêté des ministres chargés du travail et de l’agriculture, des dérogations à l’interdiction formulée ci-dessus, à condition que l’employeur démontre qu’il lui est impossible, pour des raisons techniques, de s’y soumettre et que la concentration maximale fixée à l’article 3 ci-dessous sera respectée.
Art. 3. – La concentration des vapeurs de benzène de l’air inhalé par un travailleur ne doit pas dépasser cinq millionième en volume (16 mg/m3) en moyenne par journée de travail.
Toutefois, pour les installations en service à la date d’entrée en vigueur du présent décret, la valeur précédente est fixée pendant une durée maximale de cinq ans à dix millionièmes en volume (32 mg/m3).
Art. 4. – L’accès des locaux de travail dans lesquels la concentration dans l’air des vapeurs de benzène est susceptible de dépasser la valeur fixée au deuxième alinéa de l’article premier doit être réglementé et limité aux personnes dans la fonction l’exige.
Ces locaux doivent en outre être balisés par des panneaux indiquant la présence possible de vapeurs de benzène et rappelant l’interdiction d’y pénétrer sans motif de service.
Titre II
Contrôle de l’exposition des travailleurs aux vapeurs de benzène
Art. 5. – I- Le contrôle de l’exposition des travailleurs aux vapeurs de benzène doit être fait conformément à des méthodes et selon des procédures définies par arrêté des ministres chargés du travail et de l’agriculture.
II- Une campagne de mesures est réalisée au moins une fois par an dans les établissements visés à la fois aux alinéa 1 et II de l’article premier ; cette campagne est renouvelée partiellement ou totalement lors de modification notable des installations ou des procédés de travail et après tout incident susceptible d’augmenter l’exposition des travailleurs.
III- Dans les établissements visés uniquement à l’alinéa I de l’article 1er, le contrôle de l’exposition doit, s’il n’est pas permanent séquentiel, être effectué au moins une fois par trimestre ; toutefois, cette périodicité peut être portée à six mois, si, au cours des trois campagnes de mesures précédentes, les résultats montrent que la concentration moyenne par jour des vapeurs de benzène n’excède pas 2,5 millionièmes en volume (8 mg/m3) ; dans les établissements utilisant d’une manière discontinue du benzène ou des produits en contenant, le contrôle de l’exposition est effectuée lorsque ces produits sont effectivement employés.
IV- Ces contrôles sont à la charge de l’employeur et doivent être pratiqués par un organisme agréé par arrêté des ministres chargés du travail et de l’agriculture. Le directeur départemental du travail et de l’emploi ou le chef de service départemental de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles peut autoriser l’employeur à procéder lui-même à ces contrôles s’il se conforme aux méthodes et aux procédures fixées par l’arrêté prévu au premier alinéa du présent article.
Art. 6. – Le programme des contrôles est défini dans un document établi par l’employeur après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut , des délégués du personnel, ainsi que du médecin du travail.
Ce document doit être modifié, si nécessaire et conformément à la procédure prévue au premier alinéa, lors des modifications des installations ou des procédés de travail, ou à l’initiative du médecin du travail.
Ce document et les avis prévus ci-dessous sont tenus à la disposition de l’inspecteur du travail, des techniciens régionaux de prévention et des agents du service de prévention des organismes de sécurité sociale.
L’inspecteur du travail peut mettre en demeure l’employeur de modifier tout ou partie du document prévu ci-dessus.
Art.7. – Lorsque le contrôle de l’exposition aux vapeurs de benzène est fait de manière permanente, les moyens analytiques mis en œuvre doivent être réétalonnés au moins une fois par an. En outre, l’inspecteur du travail peut en demander la vérification.
Les frais entraînés par cette vérification sont à la charge de l’employeur.
Art. 8. – En cas d’incident de fonctionnement, le personnel non indispensable à la sécurité de marche des installations ou aux interventions nécessaires pour remédier à la contamination doit être évacué.
Ce personnel ne peut être autorisé à revenir sur les lieux que si les concentrations de benzène dans l’air sont de nouveau inférieures aux valeurs fixées à l’article 3 ci-dessus.
Art. 9. – Tout dépassement de la valeur définie à l’article 3 ci-dessus doit entraîner un nouveau contrôle au plus tard dans les quarante-huit heures.
Si le dépassement est confirmé par ce nouveau contrôle, la présence des travailleurs affectés sur les lieu concernés doit être suspendue jusqu’à ce qu’il y ait été remédié, exception faite pour le personnel d’intervention.
Art. 10. – Les résultats des contrôles opérés en application des articles 5 à 9 ci-dessus sont tenus à la disposition des travailleurs exposés, du médecin du travail, des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que de l’inspecteur du travail, des techniciens régionaux de prévention et des agents du service de prévention des organismes de sécurité sociale.
Titre III
Prévention technique collective et individuelle
Art. 11. – Les travaux comportant l’utilisation de benzène ou de produit renfermant du benzène doivent se faire, autant que possible, en appareils clos.
Lorsqu’il n’est pas possible de faire usage d’appareils clos, les emplacements de travail où sont utilisés du benzène ou des produits renfermant du benzène doivent être équipés de moyens efficaces assurant l’évacuation des vapeur ou être en confinement d’air même pour les transvasements.
Art. 12. – Les installations et les appareils de protection collective doivent être vérifiés au moins une fois par semaine et être constamment en parfait état de fonctionnement. Les résultats des vérifications sont tenus à la disposition de l’inspecteur du travail, des techniciens régionaux de prévention, du médecin du travail, des agents de service de prévention des organismes de sécurité sociale et des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel.
En outre, une consigne écrite, prise par l’employeur après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, fixe les conditions de l’entretient préventif des installations et les procédures à mettre en œuvre pour assurer leur surveillance, notamment pour détecter et éliminer d’éventuelles fuites.
Art. 13. – Des appareils de protection respiratoire individuels sont mis à la disposition des travailleurs affectés dans les locaux mentionnés à l’article 4 ci-dessus.
Le personnel d’intervention dont la présence est indispensable en cas de fuite de benzène soit être équipé par l’employeur de moyens de protection corporelle et d’appareils respiratoires isolants autonomes.
Les frais de fourniture et d’entretient de ces équipements incombent à l’employeur.
Titre IV
Dispositions administratives
Art. 14. – Les travailleurs exposés au benzène reçoivent une formation portant sur les risques qu’ils encourent ainsi que sur les moyens mis en œuvre pour les éviter. Le médecin du travail participe à cette formation.
En outre, les travailleurs occupés dans les locaux mentionnés à l’article 4 reçoivent une formation et un entraînement appropriés en ce qui concerne le port des équipements de protection individuelle et le mode d’évacuation en cas de fuite de benzène.
Le personnel d’intervention au sens de l’article 13 reçoit une formation sur lu mesures à prendre pour le rétablissement des conditions normales, notamment sur l’application de la consigne prévue au deuxième alinéa de l’article 12.
La formation et l’entraînement prévus au présent article sont dispensés avant l’affectation des salariés intéressés dans les locaux mentionnés à l’article 4 du présent décret et renouvelés au moins une fois par an.
Art. 15. – L’employeur est tenu de remettre des consignes écrites à tout travailleur exposé au benzène de manière à l’informer des risques auxquels son travail peut l’exposer et des précautions à prendre pour éviter ces risques.
Art. 16. – Tout employeur occupant des travailleurs exposés au benzène est tenu de faire une déclaration à l’inspecteur du travail dans le ressort duquel se trouve l’établissement où ces travailleurs sont employés.
Cette déclaration comprend
– la raison sociale de l’entreprise et l’adresse de l’établissement ;
– la nature des travaux effectués
l’effectif exposé ;
– les mesures de prévention et de protection mises en oeuvre ,
– la nature des matériels de protection individuelle mis à la disposition des travailleurs.
Une copie de cette déclaration est adressée au service de prévention des organismes de sécurité sociale.
Un double de la déclaration prévue à l’alinéa précédent est tenu à la disposition des travailleurs exposés, des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou à défaut des délégués du personnel, de l’inspecteur du travail, des techniciens régionaux de prévention et des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale, ainsi que du médecin du travail et du médecin inspecteur régional du travail.
Titre V
Surveillance médicale
Art. 17. – Un travailleur ne peut être affecté à des travaux l’exposant au benzène que s’il a fait l’objet d’un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d’aptitude établie en application de l’article R. 241-57 du code du travail ou de l’article 40-1 du décret susvisé du 11 mai 1982 s’il s’agit d’un salarié agricole atteste qu’il ne présente pas de contre: indication médicale à ces travaux.
Cette fiche d’aptitude est renouvelée tous les six mois après examen par le médecin du travail.
Le travailleur ou l’employeur peut contester la riche d’aptitude, dans les quinze jours qui suivent sa délivrance. auprès de l’inspecteur du travail. Ce dernier statue après avis conforme du médecin inspecteur régional du travail qui peut faire pratiquer, aux frais de l’employeur, des examens complémentaires par les spécialistes de son choix.
En dehors des visites périodiques, l’employeur est tenu de faire examiner par le médecin du travail tout travailleur qui se déclare incommodé par les travaux qu’il exécute. Cet examen peut être fait à l’initiative du salarié.
Lorsqu’un travailleur est atteint d’une des maladies énumérées au tableau n° 4 des maladies professionnelles annexé au décret du 31 décembre 1946 susvisé, ou au tableau n°19 des maladies professionnelles du régime agricole visé au décret du 17 juin 1955 susvisé, tout le personnel susceptible d’avoir été exposé sur le même lieu de travail doit faire l’objet d’un examen médical, assorti éventuellement d’examens complémentaires. Cette surveillance médicale est renouvelée jusqu’à ce que tous les résultats soient redevenus normaux. Un contrôle des conditions de travail doit en outre être effectué.
Art. 18. – Les travailleurs bénéficiant d’une rente d’incapacité permanente au titre des affections provoquées par le benzène. les femmes enceintes et les femmes allaitant. ne peuvent être affectés ou maintenus à des postes de travail les exposant au benzène.
Les apprentis de moins de dix-huit ans ne peuvent être exposés au benzène que pour les besoins de leur formation professionnelle.
Art. 19. – Un arrêté des ministres chargés du travail et de l’agriculture détermine les recommandations et fixe les instructions techniques que doit respecter le médecin du travail assurant la surveillance médicale des salariés exposés au benzène, et précise les modalités des examens prévus à l’article 17 ci-dessus.
Art. 20. – Le médecin du travail est informé par l’employeur des absences pour cause de maladie d’une durée supérieure à dix jours des salariés exposés au benzène.
Art. 21. – Pour chaque travailleur exposé au benzène, le dossier médical prévu à l’article R 241-56 du code du travail ou à l’article 39 du décret susvisé du 11 mai 1982 s’il s’agit d’un salarié agricole précise la nature du travail effectué, la durée des périodes d’exposition, notamment celle des expositions accidentelles et les résultats de tous les examens médicaux auxquels l’intéressé a été soumis dans l’établissement
Art. 22. – Pour chaque travailleur affecté ou ayant travaillé à un poste l’exposant au benzène, le dossier médical est. conservé pendant trente ans après la cessation de l’exposition.
Si le travailleur change d’établissement un extrait du dossier médical relatif aux risques professionnels est transmis au médecin du travail du nouvel établissement à la demande du salarié.
Si l’établissement cesse son activité, le dossier est adressé au médecin- inspecteur régional du travail qui le transmet éventuellement, à la demande du salarié, au médecin du travail du nouvel établissement où l’intéressé est employé.
Après le départ à la retraite du travailleur, son dossier médical est conservé par le service médical du travail du dernier établissement fréquenté.
Titre VI
Dispositions finales
Art. 23. – Le décret du 16 octobre 1939 modifié par le décret no 47-1620 du 23 août 1947 portant règlement d’administration publique en ce qui concerne les mesures particulières applicables dans les établissement dont le personnel est exposé à l’intoxication benzolique est abrogé.
Le décret no 69-646 du 14 juin 1969 ponant règlement d’administration publique et relatif à l’interdiction du benzène comme dissolvant est abrogé.
Art. 24. – Le présent décret entre en vigueur le premier jour du septième mois suivant sa publication au journal officiel de la République française.
La fiche d’aptitude prévue à l’article 17 ci-dessus est établie pour la première fois par le médecin du travail à l’occasion de la première visite médicale qui suit la date d’entrée en vigueur du présent décret.
Art. 25. – Le ministre de l’agriculture et le ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle sont chargés chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 13 février 1986.
Laurent FABIUS
Par le premier ministre :
Le ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle
Michel DELEBARRE
(J.O du 27 février 1986)