Benzène

I. Généralités

Le benzène est un liquide incolore, volatil, dont les vapeurs sont plus denses que l’air. C’est le premier des hydrocarbures aromatiques, sa formule chimique est C6H6son numéro CAS : 71-43-2.
C’est un excellent solvant des graisses, mais son utilisation est très réglementée, il a disparu de la plupart des produits d’utilisation courante.
On le retrouve actuellement essentiellement dans les industries de synthèse organique, les laboratoires de recherche d’analyses (chromatographie), ainsi que dans la production, la distribution et l’emploi des super carburants (mécaniciens) : l’essence contient environ 1 % de benzène. Réglementairement, le taux de benzène dans les préparations industrielles doit être inférieur à 0,1% (décret du 06 septembre 1991).


II. Propriétés physico-chimiques

Le benzène est peu soluble dans l’eau mais soluble dans la plupart des solvants organiques. Il a une odeur aromatique agréable, perceptible à l’odorat pour une concentration de l’ordre de 12 ppm.
A température ordinaire, le benzène est un produit stable. Il réagit cependant avec de nombreux composés et constitue d’ailleurs une matière première importante en synthèse organique.


III. Données cinétiques principales

La voie d’absorption du benzène est principalement pulmonaire (50% du produit inhalé est absorbé par voie respiratoire) mais la pénétration percutanée peut prédominer si le benzène est sous forme liquide. Environ 30 à 60 % du benzène inhalé passent dans la circulation systémique tandis que 10 à 50 % sont éliminés dans l’air expiré sous forme inchangée.

Produit lipophile, le benzène se distribue préférentiellement dans le SNC en cas d’intoxication aiguë et se distribue dans le foie en cas d’intoxication chronique.
Le benzène est métabolisé dans l’organisme principalement au niveau du foie mais également au niveau de la moelle osseuse.
Il est transformé dans un premier temps (oxydation par le cytochrome P450) en benzène époxyde, qui pourrait être un des agents responsables de myélotoxicité du benzène. Celui-ci est ensuite transformé en différents phénols secondairement métabolisés en acide trans-transmuconique, et acide phénylmercapturique.

La demi-vie d’élimination sanguine est de 15 à 20 heures.

L’élimination du benzène est principalement urinaire sous forme de phénol libre ou conjugué (30 à 80 %), d’hydroquinone (10 %), de catéchol (1,6%), d’acide trans-transmuconique (2%) et d’acide phényl-mercapturique (<1%).
10 à 20% du benzène absorbé sont éliminés dans l’air expiré sous forme inchangée.

IV. Toxicité

Organes cibles : système nerveux central, moelle osseuse (riches en lipides+++).

Toxicité aiguë
L’intoxication aiguë se manifeste par une dépression du système nerveux central et une pneumopathie d’inhalation en cas d’ingestion.
Comme tous les hydrocarbures pétroliers distillant au dessous de 300°C, le benzène est irritant.

Toxicité chronique
Comme tous les autres solvants, le benzène peut être à l’origine d’un syndrome psycho-organique, de troubles digestifs, et par contact prolongé d’une irritation cutanéo-muqueuse.
Spécifiquement, le benzène est hématotoxique dont les manifestations peuvent revêtir des aspects très polymorphes et désignés sous le nom de benzolisme ou benzénisme :

  • Dépression médullaire: le risque est dose-dépendant pour des concentrations supérieures à 20 ppm. Toutes les lignées peuvent être atteintes isolément ou simultanément, l’atteinte étant parfois annoncée par une thrombopénie ou une leucopénie. Ces anomalies sont généralement réversibles lorsque l’éviction est précoce.
    Son délai d’apparition varie de quelques mois à plusieurs dizaines d’années après le début de l’exposition.
    L’aplasie médullaire benzénique est devenue exceptionnelle en France.
  • Hémopathies malignes : le pouvoir leucémogène du benzène a été démontré pour des expositions supérieures à 10 ppm mais il ne peut être exclu pour des expositions plus faibles. Il a été mis en évidence une relation de cause à effet entre l’exposition en ppm par mois et l’incidence des leucémies (risque majeur au delà de 200 ppm/années). Il apparaît néanmoins établi que les concentrations inférieures à 1 ppm n’augmentent pas significativement le risque de leucémie.
    La leucémie aiguë myéloïde (et ses variantes) est la seule leucose pour laquelle la relation avec une exposition au benzène n’a pas été remise en cause. Certaines études suggèrent une relation entre exposition au benzène et: leucémie myéloïde chronique, leucémie lymphoïde chronique, maladie de Hodgkin, lymphomes non Hodgkiniens et myélome multiple.
    Le CIRC et l’Union Européenne ont classé le benzène dans le groupe 1 des substances certainement cancérogènes pour l’homme.


V.Métrologie

1) Dosages atmosphériques
Le dosage du benzène dans l’atmosphère du poste de travail, sur 8 heures en continu, est le meilleur témoin de l’exposition réelle.
Le décret n°2001-97 du 1er Février 2001, modifie les limites d’exposition professionnelle au benzène en abaissant sa VME à 3 ppm (9,75 mg/m3) jusqu’au 27 juin 2003 puis à 1 ppm (3,25 mg/m3) au delà de cette date.

Afin de respecter les valeurs limites d’exposition, des contrôles d’atmosphère doivent être programmés et réalisés au moins une fois par an par un organisme agréé. Si le taux de benzène est compris entre 1 et 2,5 ppm, les mesures seront effectuées tous les 6 mois. Si le taux est supérieur à 2,5 ppm, les contrôles seront trimestriels. Si le taux est supérieur à 5 ppm, il faut refaire un contrôle dans les 48 heures ; dans le cas ou le taux reste au dessus de 5 ppm, il faut arrêter tout travail et faire évacuer les lieux en attente de leur décontamination.

2) Biométrologie :

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation réglementaire, il existe une possibilité de surveillance biologique des expositions par dosage de l’acide t,t muconique (plus spécifique que celui du phénol anciennement pratiqué) dans les urines

  • Phénol : les phénols urinaires correspondent au métabolisme de 30 à 40 % du benzène dont 90 % se trouvent sous forme conjuguée. Cette élimination se poursuit pendant 24 à 36 heures.
    Le dosage du phénol urinaire total (libre et conjugué) reflète grossièrement l’exposition des 8 dernières heures. Ce dosage manque de spécificité cependant (interférences : médicaments, alcool, alimentation et variations individuelles).
    Phénol urinaire total (fin de poste) : valeur guide utilisable en France : 30 mg/g, correspondant à une exposition moyenne de 5 ppm pendant 8 heures.
    C’est un indicateur désuet, à abandonner pour la surveillance individuelle.
  • Benzène dans le sang : indicateur sensible et spécifique mais très dépendant de la qualité du mode de prélèvement (causes d’erreurs). A faibles concentrations, le tabagisme est un facteur de confusion. Il faut lui préférer d’autres indicateurs.
    benzène sanguin (fin de poste) : 1 ppm?5 µg/l sang ;
    4 ppm?38 µg/l sang ;
    8 ppm? 100 µg/l sang ;
    benzène urinaire ACGIH : 50 mg/g de créatinine (fin de poste)
  • Benzène air expiré : Cet examen est d’indication limitée compte tenu de ses nombreux obstacles techniques : mode de prélèvement non standardisé, conservation difficile des échantillons, résultats dépendant du patient et de son débit ventilatoire, influence du tabagisme… Il n’est donc pas recommandé dans la surveillance individuelle de routine.
    Benzène air expiré (avant le début du poste suivant) : ACGIH benzène air expiré total 0,08 ppm – fin d’expiration : 0,12 ppm.
  • Acide trans-transmuconique : le dosage de l’acide t,t muconique parait être l’indicateur biologique de choix pour les expositions de 0,2-0,5 ppm (peu sensible en deçà). Il existe une bonne corrélation avec les concentrations atmosphériques du benzène :
    1 ppm de benzène <–> 1 mg/l d’acide t,t muconique ;
    Sa demi-vie d’élimination est de 5 heures.
    Valeurs guides utilisables en France d’acide t,t muconique urinaire sont à réactualiser.
    Attention : interférences possibles avec le tabac : une consommation quotidienne de 40 cig/jour produit une sécrétion urinaire d’acide t,t muconique équivalente à une exposition sur 8 heures de 0,02 ppm de benzène.
  • Acide S-phenylmercapturique urinaire : très bon indicateur notamment pour les expositions très faibles. Il donne une bonne corrélation entre les valeurs urinaires et l’exposition au benzène :
    1 ppm de benzène <–> 45 µg/ g creat ASPM
    4 ppm de benzène <–> 180 µg/ g creat ASPM
    Prélèvement en fin de poste
    Inconvénients : dosages compliqués et encore peu de données disponibles.


VI. Surveillance en médecine du travail

L’arrêté du 6 juin 1987 portant application de l’article 19 du décret du 13 février 1986, prescrit les recommandations et instructions que doivent respecter les médecins du travail assurant la surveillance des salariés exposés au benzène.

  • Mesures techniques :
    – remplacement du benzène par un solvant moins toxique
    – limiter le nombre de salariés potentiellement exposés
    – ventilation (aspiration à la source)
    – travail en vase clos
    – mesures de protection individuelle (masque, vêtements de protection, éducation sanitaire des travailleurs).
    – Stockage dans des locaux frais net aérés, bacs de rétention.
  • Mesures médicales : Surveillance Médicale Spéciale
    A l’embauche : éviter d’exposer au benzène les personnes présentant des anomalies de l’hémogramme, les personnes présentant des dermatoses étendues, des maladies neurologiques ou psychiatriques chroniques. Il est recommandé d’écarter les patients présentant des antécédents d’hémopathie aplasiante, de malnutrition ou carence profonde.
    -> un examen clinique et une NFS de référence
    Lors des examens périodiques (semestriels) l’examen clinique sera associé à une NFS de contrôle. Des examens biométrologiques, couplés aux résultats des taux atmosphériques, seront réalisés, à l’appréciation du médecin du travail, afin d’évaluer l’exposition réelle.
    Le décret n° 2001-97 interdit l’affectation ou le maintien de femmes enceintes ou allaitantes à des postes de travail les exposant au benzène.

VI. Traitement

En cas d’intoxication aiguë par ingestion, lavage gastrique après intubation.
Traitement symptomatique plus ventilation assistée si nécessaire.


VII. Réparation

TRG 4 , 4 bis et 84
TRA 19, 19 bis et 48

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